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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le département de Miroul. Je me décidai donc à écrire audit Miroul
pour lui mander de vendre un de mes bois qui touchait à la forêt de Montfort
l’Amaury et de m’en rapporter le produit. À peine toutefois eus-je dépêché
cette lettre que ma conscience huguenote se trouva horrifiée à l’idée d’écorner
mon principal, sans compter que je croyais ouïr jà la groigne indignée de La Surie
devant mes folles dissipations, dans lesquelles il ne faillirait pas de
déceler, comme bien on pense, l’influence de la pompe papiste.
    Le soir du jour où j’envoyai cette lettre, je me trouvai
dîner seul en sa chambre avec Teresa, cette nuit m’étant par elle consacrée et
me trouvant rêveux et songeard à la repue, mâchellant mes viandes du bout du
bec, elle m’en demanda la raison. Je noulus lui dire de prime. Mais elle usa
d’une si tendre et insinuante insistance que je finis par lui confier, non sans
quelque vergogne, l’objet de mon ennui.
    —  Carissimo [81] ,
dit-elle incontinent, me baignant de la suave lumière de ses grands yeux, cela
n’importe ! Je t’aime pour toi et ton bon caractère, et non pour tes
cadeaux. Si tu es à l’étroit dans tes pécunes, tu peux ne m’en bailler du tout.
    — Mon ange, dis-je en me levant et en me venant jeter à
son genou pour lui baiser les mains, tu es la plus libérale et la plus
débonnaire des femmes, mais je n’en suis pas là. Et que dirait la mamma,
poursuivis-je en souriant, si je cessais tout soudain d’alimenter ses
coffres ? Toutefois, je ne voudrais pas que tu t’alarmes de ce que mes
présents se raréfient, me croyant devenu chiche-face ou de toi moins épris. Car
à la vérité, je suis de ta beauté aussi raffolé qu’on peut l’être et je ne me
rassasie jamais de te voir et de te toucher, à telle enseigne qu’il n’est heure
du jour pendant laquelle je ne voudrais laisser un seul pouce de ton corps sans
l’avoir baisé à tout bec.
    —  Carissimo, dit-elle, fort trémulente à ce
discours et aux images que sa péroraison évoquait, ta parole est de miel et ton
cœur aussi.
    Quoi disant et appartenant à cette espèce bénie
d’inflammable femme chez qui l’action est la sœur du pensement, elle me saisit
par la main et, m’entraînant vers sa coite, elle se dévêtit en un tournemain et
se livra à mes voyageuses caresses.
    Je fus une bonne demi-heure dans les délices de cette
pratique-là et comme, n’y demeurant pas moi-même insensible j’allais me
conjoindre à elle afin d’unir à la parfin nos voluptés, on heurta violemment à
la porte et, suivie de Djemila, la mamma, l’œil quasi hors l’orbite en sa
faveur, surgit, laquelle, sans se soucier le moindrement de mon prédicament,
marcha à la soldate vers la coite, arracha du col de Teresa une petite Sainte
Vierge en or qui pendait là par un petit ruban de soie noire et hucha à gorge
déployée, la bouche quasi écumante en son ire :
    — Dévergognée ! Comment oses-tu mêler la Benoîte
Vierge à l’ordure de ton péché ? Et n’as-tu pas honte à la prendre avec
toi dans ta coite, quand tu es ainsi besognée ?
    Sur quoi, la médaille portée au creux de ses mains et la
baisant et rebaisant sans cesse, en marmonnant des prières, elle s’en fut,
Djemila dans son sillage, les mains jointes elle aussi et la mine affligée.
L’huis reclos sur elle, ma pauvre Teresa fondit en larmes et, la mine fort
contrite, courut s’agenouiller, nue qu’elle était, sur son prie-Dieu et se mit
à faire oraison, le cheveu épars, battant sa coulpe et tout à plein déconsolée.
    Demeuré que j’étais sur la coite, je ne la voyais que de
dos, ses longs cheveux noirs tombant jusqu’au bas de ses reins et pour dire le
vrai, lecteur, je la trouvai charmante en sa pieuse posture, tout en me faisant
quelque petite réflexion sur l’aspect tout extérieur et cérémonieux d’un culte
où c’est une médaille qu’on outrage, qu’on console et qu’on propitie.
    L’oraison de la pasticciera dura dix bonnes
minutes – ce qui, se peut, est court pour une repentance, mais long assez
pour une attente. Après quoi, estimant sans doute qu’elle avait reçu le pardon
pour l’offense qu’elle avait commise envers sa petite idole, elle se signa,
sécha ses larmes et courut dans sa coite reprendre nos amours au point où nous
les avions laissées.
    Quand elle se fut à mes côtés ensommeillée – pour peu
de temps car elle renaissait, comme le phénix,

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