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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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va bien.
    — Ce n’est pas exactement l’expression que
j’emploierais pour décrire notre situation, remarqua Liberty.
    — Et quelle expression voudriez-vous employer, monsieur
le lexicographe ?
    — Oh, je ne sais pas… “l’enfer” ? »
    Et puis, tout d’un coup, la nuit s’abattit, un bruit de
déchirure enfla et éclata, et alors commencèrent les rugissements sourds du fer
qu’on éjacule. Les moteurs du Cavalier revinrent à la vie. L’eau
explosa.
    « Ils nous ont vus, cria Maury, excité comme un gamin
au cirque. On nous tire dessus.
    — Je connais les symptômes, maugréa Liberty.
    — Eh bien, il me semble que notre séquestration n’a
plus grand sens à présent. Que diriez-vous d’aller flâner sur le pont, jeter un
coup d’œil ?
    — Est-ce que les Yankees vont nous exterminer ?
demanda Monday.
    — Mais non, pas du tout. Toi, ils te mettront en cage
pour t’exposer à la Maison-Blanche. Qu’est-ce qu’ils essayent de faire, d’après
toi, vieil imbécile, nous baiser la joue ? » Un sifflement sinistre
fondit sur la poupe, changeant de tonalité au fil de son sillage, avant de
s’évanouir.
    « Vous avez entendu ? insista Maury. On les
distance déjà.
    — Je ne veux pas mourir, gémit Monday.
    — Nous non plus, confirma Liberty.
    — Monday, je te confie cette petite peste. Si elle pose
de nouveaux problèmes, tu as ma permission expresse de lui administrer la
correction appropriée.
    — Et comment ?
    — À coups de gifles, sombre crétin.
    — Et si elle recommence à pleurnicher ?
    — Tu te rappelles Octavia ?
    — Oui, m’sieur.
    — Tu fais pareil.
    — Mais, Maître, Octavia était une mule.
    — Et sacrément impertinente ! Fais ce que je te
dis, et Dieu ajoutera une pièce d’or au butin qui t’attend au ciel.
    — J’aimerais bien en tâter de temps en temps, une de
ces pièces. Je suis le riche le plus pauvre que je connaisse.
    — Je n’ai pas le temps de discuter de détails
théologiques avec un âne. Sache qu’au jour du Jugement nous toucherons tous
notre salaire.
    — C’est vrai, mon révérend ? s’écria Liberty.
Voilà un spectacle que j’aimerais bien voir. Je pense qu’on me doit un pactole
pour cette équipée.
    — Allez, dehors, ordonna son grand-père en lui assenant
une bourrade sur l’épaule. Vous et vos frères impies, vous serez payés en
crochets acérés et en braises brûlantes. »
    L’imperturbable capitaine Wallace arpentait nonchalamment le
pont en pantoufles, s’arrêtant à chaque demi-tour pour scruter l’horizon à la
poupe à travers des jumelles de marque française. Le ciel s’illuminait à
intervalles réguliers d’une bordée de fusées, et dans leur lueur crachotante on
apercevait les silhouettes sombres et peu engageantes de deux vaisseaux
fédéraux qui filaient à toute vapeur vers le Cavalier  ; dans son
sillage écumant explosaient des obus inoffensifs en grands geysers d’eau
blanche.
    « Ah ! proclama Wallace avec un geste majestueux,
comme s’il accueillait des retardataires à un banquet dominical. Je crains fort
que notre petite bulle d’excitation n’ait déjà éclaté. Regardez comment ils
peinent à nous poursuivre. Il n’y a pas un croiseur dans leur flotte qui puisse
nous rattraper. » Un nouvel obus plongea en ululant dans les vagues cent
mètres en arrière. « Vous voyez ? Nous sommes déjà hors de portée, et
l’écart va se creuser. J’allais vous envoyer chercher, messieurs, surtout vous,
monsieur Maury, pensant que l’ancien militaire que vous êtes aurait plaisir à
retrouver le goût de la poudre – avec l’avantage de la distance, bien
entendu. » L’effervescence de sa voix était presque contagieuse.
    « Je n’ai jamais parlé de mes campagnes.
    — Vraiment ? Comme c’est étrange ! Mais
enfin, monsieur, votre posture est éloquente, sans parler de votre âge. Vous
êtes certainement assez chenu pour avoir pris part à l’une au moins des
controverses armées dont votre pays est si friand. Vous les Américains, qui
aimez tant la paix, quand vous n’êtes pas occupés à vous entretuer, vous
semblez toujours aux prises avec des étrangers d’un genre ou d’un autre.
    — Et de préférence avec vous. »
    Wallace réagit par un éclat de rire. « Bien vu,
monsieur. J’apprécie une langue acérée.
    — Alors écoutez ça, l’Anglais. Quand j’étais tout
jeunot, en l’an 1812, j’ai eu l’honneur de porter

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