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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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le mousquet de
l’héroïque George Croghan à Fort Stephenson, et je suis fier de rapporter que
j’ai expédié plusieurs rosbifs mal cuits dans une infamie éternelle.
    — Certes, mais à présent, nous portons tous l’uniforme
gris, n’est-ce pas ? Oh, regardez comme c’est joli ! » Un obus,
explosant prématurément, projeta dans la mer une gerbe d’étincelles. « Je
ne doute pas, monsieur Maury, que vous avez enduré les épreuves, les privations,
etc., etc., du fantassin ordinaire, mais dites-moi, honnêtement, y a-t-il plus
grisant dans les annales de la guerre moderne qu’une percée intrépide sous les
mufles de fer d’une force ennemie supérieure en nombre et prête à vous
encercler ? Cette excitation me manquera terriblement. La paix, je le
crains, risque d’être d’un mortel ennui.
    — Et d’un ennui même pas rentable », intervint un
nouveau venu, essoufflé d’avoir hissé son ample carcasse sur les divers
escaliers et échelles qui reliaient le pont aux cabines. Malgré la pingrerie
désespérée des temps, cet homme dodu, couleur de bœuf cru, arborait un costume
de lin non seulement de bonne coupe mais propre, avec gilet et chapeau
assortis. Derrière lui trottinait une minuscule femme aux yeux de chien, aussi
étroite de corps que son compagnon était large ; sa silhouette gracile
était engloutie par une énorme robe émeraude, épinglée de dizaines de rubans
célébrant ses prouesses en équitation, tir, orthographe et tarte aux pommes.
    « Les Fripp ! s’exclama le capitaine Wallace comme
s’il retrouvait des parents qu’il croyait perdus. Bienvenue ! Notre cercle
est au complet. Permettez-moi de vous présenter M. Asa Maury et son
petit-fils, M. Fish.
    — Les Maury de Redemption Hall ? demanda
M. Fripp tout excité.
    — Eux-mêmes, répondit Maury avec un bref hochement de
tête.
    — Eh bien, ça c’est fort ! Je nous soupçonne
d’être cousins, vous et moi. Tous mes papiers sont au fond des malles, mais,
dès que nous arriverons à Nassau, je vous promets de consulter mes arbres
généalogiques. Regardez, Phoebe, ajouta-t-il en se tournant vers sa femme
impassible, nous sommes du même sang.
    — Mais dans le pays, demanda Maury, ne sommes-nous pas
tous plus ou moins apparentés ?
    — Je sais que l’on peut avoir cette impression, mais,
si je ne m’abuse, il me semble qu’une des sœurs de votre grand-mère avait
épousé l’un de mes grands-oncles, ou quelque chose comme ça, et qu’ils
s’étaient installés à Fib’s Head, avant l’Indépendance.
    — Le lien me paraît assez ténu, tout de même.
    — C’est ce que je pourrai établir dès que j’exhumerai
ma documentation, mais je me trompe rarement en la matière, n’est-ce pas,
Phoebe ? L’Histoire, c’est ma marotte.
    — Moi, je ne me mêle pas de ces bêtises, répliqua M me  Fripp.
    — Comme je le disais, intervint le capitaine pour
meubler habilement le silence gêné, j’espérais que vous auriez tous l’occasion
d’apercevoir le feu d’artifice, mais à treize nœuds nous nous éloignons
rapidement de la fête.
    — Eh bien, nous serions montés plus tôt, mais vous
savez, les femmes… expliqua M. Fripp en lançant à sa moitié un sourire
indulgent. Même au plus fort de la bataille, ce sont les apparences qui
priment.
    — Taisez-vous ! rétorqua M me  Fripp.
    — Oh, regardez ! » Wallace désigna le ciel de
noroît, où une boule pétillante de lumière blanche décrivait un arc gracieux
avant de s’éteindre sous les vagues. « Ils aimeraient bien nous
assaisonner !
    — Magnifique ! » décréta M. Fripp, ou
plutôt M. G. D. Fripp, comme il aimait à se faire appeler. Il essuya
son grand front luisant avec un bandana impeccablement repassé. « J’ai
toujours apprécié une bonne canonnade nocturne. Ça doit me rappeler le
4 Juillet. Certes, le jour où ces batteries infernales ont commencé à
viser directement Charleston, nous avons dû évacuer la ville. M me  Fripp
a les nerfs fragiles comme du verre. Vous savez, elle peut entendre une
aiguille tomber sur le tapis sans même être dans la pièce.
    — Oui », confirma l’intéressée, qui s’était
discrètement postée aussi près du capitaine que la politesse le lui permettait,
comme si elle cherchait refuge dans l’ombre de sa présence imposante. « Et
cette exacerbation pathologique de la délicatesse féminine naturelle est pour
moi, j’ose le dire, un fardeau

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