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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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l’est effectivement.
    — N’ayez crainte, répondit Fripp, visiblement impatient
d’aller transmettre la bonne nouvelle. Quand Phoebe veut, elle peut. C’est un
commandement inviolable. À présent, messieurs, si vous voulez bien m’excuser,
je dois aller voir ma patiente. » Il fila comme un joueur qui veut placer
un pari de dernière minute.
    « Drôle de pistolet, dit Maury d’un ton pensif. À
première vue, on le croirait compétent et solide, mais on finit par conclure
que c’est du rembourrage : des plumes et du vent.
    — Je ne serais guère surpris que vous voyiez en tout
inconnu un imposteur potentiel, répondit Liberty.
    — À la cale, moussaillon ! aboya Maury en poussant
maladroitement Liberty devant lui. Il est temps d’assister au prochain
numéro. »
    Sous le pont, tout en se débattant avec ses clefs et en
marmonnant des jurons décousus, Maury se tourna vers son petit-fils pour
avouer : « Outre mes nombreuses autres afflictions bourgeonnantes, ma
vue paraît décliner. Il fut un temps où je pouvais abattre à cent mètres un
écureuil dans un arbre d’un coup de carabine. Aujourd’hui, je ne le verrais
sans doute même pas, l’animal.
    — Pas de chance, remarqua Liberty. Imaginez, si vous
perdiez la capacité de percevoir la couleur de peau. Tout votre château de
cartes s’envolerait aux quatre vents. »
    Mais avant que Maury ne puisse concocter une réponse
suffisamment cinglante, la bonne clef avait été trouvée, introduite dans la
serrure, et la porte ouverte sur une leçon de physique fort instructive quant
aux concepts de masse et de gravité : Monday, comme à son habitude,
dormait en boule sur le sol d’acier, dans un ronflement flegmatique synchrone
avec – et presque aussi assourdissant que – les moteurs déchaînés du Cavalier, tandis que, suspendu à un tuyau, le corps nu et juvénile de
Tempie se balançait comme un pendule au rythme du roulis, sa robe tachée et
déchirée étroitement serrée, dans un réseau complexe et implacable de nœuds,
autour de son cou grotesquement allongé.
    « Par les feux de l’enfer ! » s’écria Maury,
qui se précipita, un couteau déjà à la main, pour décrocher, avec l’aide de
Liberty, sa fille, avant de déposer le corps inerte sur la balle de coton qui
lui avait certainement servi de plongeoir pour son ultime saut dans le vide.
Maury se pencha anxieusement sur elle, colla son oreille à la bouche béante et
pétrifiée, se figea comme s’il guettait un bruit émanant d’un puits sans fond.
« Morte », dit-il, crachant le verdict tel un noyau importun dans une
tarte. Liberty perdit brusquement tous repères, comme si ses entrailles avaient
été décrochées et disséquées, comme si la vie se révélait être un tournoiement
incontrôlable dans le noir absolu.
    « Espèce de bon à rien, sale moricaud ! »
hurla Maury en assenant un violent coup de pied dans les côtes vulnérables d’un
Monday hébété, lequel, encore à moitié endormi, regarda autour de lui, perplexe
et inexpressif, ce lieu étranger et contrariant qu’il ne se rappelait pas avoir
jamais vu et qu’il ne souhaitait pas revoir. « Sois maudit ! »
Nouveau coup de pied, que Monday tenta en vain d’esquiver. « Lève un peu
ton misérable cul ! » Maury se pencha, saisit par le col le vieil
homme tremblant et le traîna de force jusqu’à la couchette. « Mais comment
ai-je pu penser un seul instant qu’un garde-bagages périmé pouvait surveiller
une enfant ne serait-ce qu’une demi-heure ? C’est un mystère que Son
Omnipotence devra m’expliquer dans l’au-delà. Alors, par les cornes du Diable,
qu’est-ce qui s’est passé ici ? »
    Avec une lenteur douloureuse, les yeux de Monday flottèrent
de Maury au corps sans vie de Tempie puis à Liberty, qui refusa de croiser son
regard, puis de nouveau à Maury, avant de se fixer sur le sol.
    « Écoute-moi, espèce de fils de pute. Je me fous que tu
aies pu faire treize fois vœu de silence et qu’un sorcier ait agité un os de
crapaud au-dessus de ton crâne crépu. Je veux qu’on m’explique, en termes
clairs et compréhensibles, pourquoi il y a un cadavre encore chaud dans ma
cabine. »
    Monday ne bougea ni ne parla.
    « J’attends la réponse de Votre Seigneurie », dit
Maury d’un ton méprisant ; et puis, trop rapide pour l’œil, sa paume
ouverte vint fouetter la joue grisonnante de Monday. « Et j’aurai ma
réponse, par Dieu, avant que

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