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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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grand soulagement des passagers, ne
se matérialisa en croiseur agressif ou en frégate furieuse. M. G. D.
Fripp annonça d’une voix attristée que M me  Fripp, à son grand
regret, et en raison du tangage et d’un regain de dyspepsie, resterait confinée
dans ses quartiers jusqu’à nouvel ordre. Monday, qui s’était convaincu malgré
tous les arguments contraires que le Cavalier avait pour véritable
destination l’un des ports négriers d’Afrique, traita le navire d’engin
diabolique au dessein non moins diabolique et fit vœu de silence pour tout le
reste de la traversée, ne répondant aux ordres ou aux questions que par
grognements et gestes exaspérés. Et Tempie, dès qu’on lui parlait ou qu’on la
touchait, éclatait en sanglots convulsifs et hystériques, sauf bien sûr quand
elle sanglotait déjà.
    « Il semble bien, mon garçon, que nous soyons les seuls
de notre petit groupe à conserver un semblant de dignité physique et de
civilité, fit remarquer Maury à son petit-fils boudeur tandis qu’ils poursuivaient
leur promenade matinale sur le pont, slalomant entre des murailles entoilées de
coton. Vous savez, M. Fripp m’apprend qu’une bonne partie de ce chargement
représente sa dernière récolte, et que lui et Madame ont l’intention de
s’installer sur l’île de New Providence, dans un étonnant bungalow rose qu’ils
ont déjà acheté. Il en brosse un tableau tout à fait attrayant, entre le sable,
les palmiers, la vue sur l’Atlantique, le temps éternellement clément. »
Il s’interrompit pour s’appuyer au bastingage et contempler la houle nerveuse.
    « Il sera d’autant plus surpris, répondit Liberty, en
ouvrant les mirettes à l’issue de cette plaisante excursion, de reconnaître le
port de Rio de Janeiro. »
    Empoignant son petit-fils par le bras, Maury l’attira à lui.
« Pas un mot là-dessus, chuchota-t-il dans un sifflement humide. Je vous
jure, chaque fois que vous ouvrez la bouche, ma main se porte instinctivement
vers mon revolver.
    — Je n’ai pas peur de vous.
    — Vous l’avez déjà dit. De façon répétée et monotone. Et
si tel est effectivement le cas, alors vous êtes moins sage qu’il n’y paraît.
Je sais que vous vous considérez comme intouchable car prétendument
indispensable à mon travail, mais je m’empresse de préciser que je ne laisserai
rien – rien, m’entendez-vous ? – faire obstacle à la réussite de
ce projet. Et s’il se produit quelque événement imprévisible qui m’oblige à
apporter des modifications à mon plan, eh bien, qu’il en soit ainsi. »
    Leurs méandres les avaient conduits à leur insu dans un
espace, large comme un placard, au centre du labyrinthe de coton, que le
capitaine Wallace avait fait aménager comme abri pour M me  Fripp
au cas où le Cavalier essuierait une canonnade ; c’est là qu’ils se
faisaient face à présent, à un mètre de distance. « Eh bien, commenta
Liberty, je crois que la Confédération a commis une lourde erreur en ne vous
nommant pas immédiatement général. Je vous imagine très bien sur votre monture,
les jumelles à la main, envoyer des braves pioupious au casse-pipe, vague après
vague, sur Seminary Ridge, sans plus d’états d’âme que si vous rajoutiez une
bûche dans le feu.
    — On fait allégeance à son devoir, enfin, à condition
d’avoir un tant soit peu fréquenté une notion aussi obsolète.
    — Je n’en attendais pas moins de quelqu’un d’aussi
enseveli dans ses idiosyncrasies maléfiques : vous êtes absolument aveugle
à toute vertu chez autrui. Et je refuse d’être acculé à défendre ma moralité
devant un individu dont le sens moral avoisine le néant.
    — J’ai élevé six enfants dans les voies du Seigneur, et
j’ai fait de ces graines des fleurs épanouies.
    — Oui, et on voit le résultat de votre jardinage !
    — Tous ont appris auprès de moi leur devoir, et tous
sont partis l’accomplir.
    — Même ma mère ?
    — Une élève douée. Elle a retenu la leçon, et puis elle
a appris à la renverser. Si je disais “blanc”, invariablement elle répondait
“noir”.
    — Connaissez-vous les circonstances de sa mort ?
    — Un accident de calèche. »
    Alors Liberty entreprit de lui donner tous les
détails : la lettre, les larmes, le bouleversement, le galop effréné, le
pont, la chute, la roue tournant sans fin dans l’air effarouché.
    « Vous me jugez donc responsable de son

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