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La polka des bâtards

La polka des bâtards

Titel: La polka des bâtards Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Wright
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angle, et fit
apparaître une forme identifiable, longue, pâle, et bien galbée, une jambe
humaine, un « membre » de femme pour être précis, révélé dans toute
sa splendeur secrète sous sa tente protectrice de soie à volants.
    Stumpy tira Liberty par le pantalon d’un geste impatient et
l’informa, dans un murmure de confidence : « Elles ne portent pas de
culotte sous leurs jupons » ; même dans la pénombre, ses dents
luisaient.
    L’œil de Liberty, escaladant avec curiosité cette colonne de
muscle tendre et de peau opalescente, sous un éclairage sans cesse déclinant,
entreprit de pénétrer le mystère fascinant du point de rencontre entrejambe et
torse, où effectivement il faisait très sombre. Il était encore plongé dans sa
quête lorsque la porte s’ouvrit violemment et laissa entrer le capitaine Whelkington,
accompagné de deux célibataires habillés comme des jumeaux de costumes
identiques de lin couleur crème, et brandissant de non moins identiques havanes
d’une taille et d’une fragrance impressionnantes.
    « Par le cul du Diable ! rugit le capitaine. Qu’est-ce
que vous foutez là, les deux crevettes, bordel de Dieu ? »
    Et, sans attendre de réponse, il saisit Stumpy par l’oreille
et le traîna dehors malgré ses couinements.
    « Et toi, petit fouille-merde ! »
s’écria-t-il en fondant sur Liberty, lequel, après avoir sauté précipitamment
au bas du tabouret, feintait tantôt à gauche tantôt à droite dans l’espoir de
contourner ce monstre par le flanc ; mais la pièce était trop petite, la
circonférence du capitaine trop large. « Je savais que c’était une
terrible erreur de ma part de vous laisser monter sur mon bateau, toi et ton
négrophile de père. Mais je ne savais pas qu’en plus tu étais un petit pervers.
Et maintenant, fous-moi le camp d’ici » – et il lui assena sur la
tête un coup qui emplit l’espace d’étoiles et de clochettes – « avant
que je dise à ton papa le genre d’énergumène que tu es vraiment.
    — Pas si vite, Erastus, intervint l’un des messieurs
crémeux d’une voix de baryton retentissante. Ne te précipite pas pour débiter
ton laïus. Sans ça, en moins de deux, c’est le paternel qui va rappliquer en
demandant à se faire embaucher ici.
    — Auquel cas, rétorqua le capitaine, qui avait de la
repartie, je lui appliquerai un pied ferme sur ses parties molles. »
    Et la porte claqua sur leurs rires grossiers.
    Trouvant son père toujours emmêlé dans les mailles de la
même discussion monotone, Liberty ignora le regard inquiet qu’il lui lançait et
reprit discrètement sa place sur le pont. Malgré son impression d’avoir été
tout juste transporté dans un autre monde, puis arraché à lui, par des moyens
non encore officiellement reconnus, et d’y avoir laissé des fragments de
lui-même qui tentaient encore de comprendre ce qui arrivait, ici en revanche, à
la surface, tout paraissait inchangé : le ciel saignait toujours du même
bleu, les visages environnants étaient rembourrés et arrogants, douloureusement
familiers, le paysage répétitif demeurait morne et sans qualités. Il avait la
sensation étrange d’être à bord depuis plusieurs jours. Il étudiait
subrepticement les femmes assemblées à leur insu, telles des poupées élégantes
et endimanchées, au voisinage des planches trafiquées, tentant de déterminer
laquelle avait pu ainsi exposer son anatomie intime à son regard avide et
indiscret ; il penchait pour la jolie fille en robe verte, avec un grand
front et une fossette au menton, quand brusquement elle se tourna pour le
regarder droit dans les yeux : tout son sang reflua au-dessus de son cou.
    M me  Callahan remonta de la coquerie d’un pas
laborieux pour vider dans l’eau un seau d’ordures, croûtes de fromage,
épluchures de pomme de terre, coquilles d’œufs, os d’animaux, trognons de
pommes, graisse figée, et autres reliefs et déchets non identifiés de ce repas
impitoyable, qui iraient se mêler à la multitude d’ingrédients que le canal, en
cette belle journée d’août, touillait vaillamment pour en faire une soupe
arc-en-ciel aux arômes mémorables – vidange et excréments, vieux habits et
bottes usées, bagages et livres égarés, bouteilles de whiskey et pages de
journaux, chapeaux et toupies, une ou deux jambes de bois, pistolets rouillés,
lunettes sans verres, innombrables litres de jus de chique, cartes à jouer et
huile de

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