La Prophétie des papes

demanderez. »
    Krek jeta une bûche qui tomba lourdement dans l’âtre et fit crépiter le feu abondamment. Une braise sauta sur son pantalon. Il jura et l’enleva, mais continua à abreuver Mulej d’injures. Les excuses de l’homme produisaient peu d’effet.
    Â«Â Le conclave aura lieu dans moins d’une semaine, il va y avoir un nouveau pape et, maintenant, nous avons ce problème à Saint-Calixte. Nous avons un boulot énorme. Tu dormiras quand je te dirai de dormir, tu mangeras quand je te le dirai. C’est compris ? »
    Pour le monde extérieur, Mulej était le Cerbère de Krek, la bête menaçante qui gardait les portes de l’enfer, le directeur général de son consortium. Mais, lorsque son patron se mettait en colère contre lui, le gardien des enfers devenait un petit corniaud craintif.
    Krek leva les yeux au ciel, comme si à travers le plafond il pouvait voir les constellations dans le ciel nocturne.
    Â«Â Mais, bon sang, pourquoi fallait-il que Bruno Ottinger meure ? Il me manque, le vieux bougre. J’avais confiance en lui.
    âˆ’ Vous pouvez avoir confiance en moi aussi, dit humblement Mulej.
    âˆ’ Oui, je suppose que oui, dit Krek, se calmant un peu. Mais tu es assez stupide. Ottinger était un génie, presque mon égal. »
    Mulej saisit d’un geste preste l’exemplaire du quotidien Delo et le remit sur la pile, comme s’il était pressé de changer de sujet.
    Â«Â Alors, que voulez-vous que je fasse pour ce problème ? »
    La page de l’éditorial présentait une photo de bonne taille de Krek, un portrait flatteur même s’il paraissait un peu maussade, se détachant d’une manière théâtrale sur un fond noir avec le titre : DAMJAN KREK : POURQUOI REFUSE-T-IL D’ÊTRE CANDIDAT À LA PRÉSIDENCE ? Un commentateur politique qu’ils connaissaient bien, une mouche du coche de droite, essayait à nouveau de semer la pagaille.
    Â«Â On devrait l’ignorer, répondit Krek dans un soupir. Pourquoi ce type ne me laisse pas tranquille ? »
    Mulej répondit à cette question par une autre.
    Â«Â Combien de milliardaires y a-t-il en Slovénie ?
    âˆ’ Voilà l’inconvénient d’être un gros poisson dans un petit lac, dit Krek. Nous sommes bien plus efficaces quand nous travaillons dans l’ombre. Ah, les hommes politiques ! »
    Il cracha ses derniers mots d’un ton venimeux.
    Â«Â Nous en avons eu notre dose », dit Mulej.
    La voix de Krek était teintée de mépris.
    Â«Â Des phalènes irrésistiblement attirées par la lumière. »
    Le téléphone de la ligne intérieure, provenant de la maison du gardien, sonna. Krek décrocha.
    Â«Â J’avais oublié, dit-il. Envoyez-la-moi.
    âˆ’ Voulez-vous que je reste ? demanda Mulej.
    âˆ’ Je ne serai pas occupé plus d’une heure, dit Krek. Oui, reste ! Je t’interdis de partir. Quand je reviendrai, je veux voir une proposition sur les affaires que nous allons organiser entre maintenant et la semaine prochaine.
    âˆ’ Je sais ce que je dois faire, K, dit Mulej d’un ton las.
    âˆ’ Et je veux que tu t’assures que la déclaration sera vérifiée par un de nos intervenants arabes. Il faut qu’elle ait l’air authentique.
    âˆ’ C’est en cours.
    âˆ’ Et écris un communiqué pour la presse disant que l’entreprise est offensée, à titre personnel, et bien sûr, au nom de nos employés catholiques. Tu piges ?
    âˆ’ Pigé.
    âˆ’ Et plus important, je veux un projet pour résoudre cette histoire des catacombes. Elle tombe au pire moment, je n’arrive pas à y croire. Je veux que nos gens, en Italie, sachent que c’est ma priorité numéro un. Je veux les meilleurs renseignements, le meilleur plan et la meilleure exécution. » Il s’était subrepticement rapproché de Mulej et, maintenant, il était debout au-dessus de lui. Il enfonça un index dans son épaule. « Pigé ? »
    Le colosse hocha la tête, obéissant.
    Â«Â Oui, K. »
    On sonna à la porte et K alla ouvrir en personne.
    Un de ses gardes accompagnait une jeune femme. Krek l’accueillit dans le hall avec un sourire.
    Â«Â Comment t’appelles-tu ?
    âˆ’ Aleida, monsieur