La Prophétie des papes
labyrinthe de petites ruelles tortueuses et étouffantes.
Au niveau de la rue, les murs de soutènement des bâtiments étaient en pierre et raisonnablement robustes. Les étages supérieurs penchaient, formant des angles précaires, et paraissaient beaucoup moins résistants ; les gamins passèrent devant une maison qui sâétait écroulée. Les habitations se transformaient en boutiques le jour, vendant des objets de consommation courante et du vin âpre bon marché. Les deux voyageurs se traînèrent jusquâaux lueurs blafardes du marché dallé, se tenant au milieu de la rue fétide pour mieux éviter les zones dâombre menaçantes.
Les fenêtres ouvertes au niveau de la rue les lorgnaient comme les orbites noires dâun crâne mort. Sextus poussa un cri de frayeur en trébuchant sur un tas dâabats qui pourrissaient devant lâéchoppe dâun boucher et déclencha la débandade parmi une troupe de rats. Rassemblant ses dernières forces, Quintus réussit à le rattraper avant quâil ne tombe dans le tas dâordures.
Une étable vide attira leur attention. Un chien étique en sortit, voulant attraper la viande à moitié pourrie avant que les rats ne sâemparent de leur dû. Le corniaud réussit à disparaître en courant dans une ruelle, traînant derrière lui un bout dâintestin.
Une fois dans lâenclos, Quintus regarda autour de lui et déclara :
« On va dormir ici. »
Ils sâefforcèrent de rassembler des écheveaux épars de paille encore propre et dâherbe sèche et installèrent des semblants de couches contre les planches dressées au fond de la construction dépourvue de toit.
« Il ne nous restera pas beaucoup de chemin demain, hein, Quintus ? » demanda le petit, plein dâespoir.
Quintus nâétait sûr de rien, mais il énonça avec une confiance feinte :
« Si on démarre tôt, on sera chez lâoncle avant midi. »
Il défit les coins noués du baluchon quâil avait porté sur son épaule pendant tout leur périple et sortit ce qui restait de leurs maigres provisions. Il donna à Sextus la moitié du pain et une pomme. Les deux garçons prirent place sur leur lit de paille et mangèrent.
Balbilus entendit un bruit sourd au-dessus de lui, un coup de barre de fer asséné sur une pierre ; câétait le signal quâil attendait.
La chambre souterraine était bien éclairée par des lampes noires de suie. Câétait un grand espace â cinquante hommes pouvaient sây rassembler sans se serrer, une centaine à la rigueur. Des hommes vivants. Câétait un espace prévu pour des milliers de morts si la plupart dâentre eux étaient incinérés et conservés dans des urnes rangées dans les parois de tuf. La chambre venait dâêtre terminée. Le columbarium attendait son premier habitant.
Tiberius Claudius Balbilus posa son pinceau. Il nâaimait pas quâon lâinterrompe, mais il y était habitué. Il était très demandé.
Il avait une trentaine dâannées. Homme vigoureux, il avait le teint olivâtre dû à ses origines égyptiennes et grecques, un grand nez et une barbe soignée, taillée en pointe, de sorte que son visage ressemblait à une arme ou à un ciseau de sculpteur. Il avait défait sa tunique pour être plus à lâaise, mais avant de remonter lâescalier, il resserra sa ceinture et enfila une cape.
Balbilus entra dans le mausolée en poussant une trappe cachée. Les murs étaient occupés par les tombes et les linceuls des riches. Un cadavre récent, qui nâavait pas plus de quelques semaines, enveloppé dans un linge et fourré dans un loculum , dégageait une puanteur de mort dans la pièce. Le mausolée était dans sa famille depuis quelques générations. Câétait une source confortable de revenus réguliers, mais à cause de sa fosse secrète, il avait désormais une autre destination.
Lorsque son heure viendrait, il reposerait là pour lâéternité, pas au-dessus du sol avec ses soi-disant citoyens, mais sous terre, avec les siens. Ses disciples reposeraient là aussi. Pour des raisons de place, la plupart seraient incinérés. Mais lui, ses fils, les fils de
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