La Prophétie des papes
littérature ?
â Je ne me souviens pas.
â A-t-il jamais parlé de Christopher Marlowe ou de la pièce Faust  ?
â à moi ? Je suis sûr que non.
â A-t-il jamais parlé de quelquâun quâil appelait âKâ ?
â à nouveau, je ne mâen souviens pas. Ce sont des questions très étranges, jeune dame. »
Elisabetta rit.
« Oui, je veux bien le croire. Mais je garde la plus étrange pour la fin. Avez-vous connaissance dâune bizarrerie physique quâil aurait pu avoir ?
â Je ne vois pas du tout ce que vous voulez dire. »
Elle prit une inspiration. Pourquoi le cacher ?
« Bruno Ottinger avait une queue, un appendice caudal. Le saviez-vous ? »
Il y eut un long silence.
« Une queue, dites-vous ! Comme câest extraordinaire ! De toutes les personnes que jâaurais connues dans ma vie, Ottinger, ce vieux bougre, devait bien être le seul homme à avoir une queue ! »
Â
Une fois quâElisabetta eut tiré les lourds rideaux pour laisser entrer la lumière, elle découvrit que la chambre de son père nâoffrait pas le désastre auquel elle sâattendait. Certes, son lit nâétait pas fait et il y avait des livres et des vêtements partout, mais il nây avait pas beaucoup de poussière et la salle de bains attenante était dans un état acceptable. Visiblement la femme de ménage avait un accès régulier à son sanctuaire.
Elle défit le lit, rassembla les serviettes, les vêtements sales et prépara la prochaine lessive.
Elle ne toucha pas à lâautre lit. Le couvre-lit était parfaitement tiré, les oreillers décoratifs rangés par taille décroissante. On aurait dit quâil était protégé par une espèce de champ de forces â câétait la seule surface qui nâétait pas encombrée par les affaires de son père.
Le lit de sa mère.
En revenant dans la chambre, les poings sur les hanches, Elisabetta parcourut le désordre des yeux. Elle se dit que ce ne serait pas une mince affaire, de ranger ses livres et ses papiers, mais elle était déterminée à se lancer dans cette tâche. Par ailleurs, elle pouvait le faire avec plus de soin que nâimporte qui dâautre : les monographies sur Goldbach ici, les cahiers et notes sur Goldbach, là . Les notes de conférences, encore ailleurs. Les polars, à cet endroit-là .
Une étagère était parfaitement ordonnée, celle qui se trouvait à côté du lit de sa mère. Les livres de Flavia Celestino, dont la plupart traitaient dâhistoire médiévale, restaient dans le même ordre que le jour où elle était décédée. Elisabetta en prit un, Ãlisabeth et Pie V â LâExcommunication dâune reine , et sâassit sur le lit. La jaquette du livre était propre et brillante, câétait un exemplaire en parfait état dâun livre qui avait vingt-six ans. Elle ouvrit lâouvrage et contempla la photo de lâauteur sur le rabat de la jaquette.
Câétait comme si elle se regardait dans un miroir.
Elle avait oublié à quel point elle ressemblait à sa mère ; la photo avait été prise lorsque Flavia avait à peu près son âge. Le même front haut, les mêmes pommettes, la même bouche. Bien quâelle ait été une petite fille lorsque le livre était paru, elle se rappelait la réception que ses parents avaient donnée et à quel point sa mère était fière et radieuse à sa publication. Sa carrière universitaire au département dâhistoire de la Sapienza était lancée. Qui aurait imaginé quâelle mourrait moins dâun an plus tard ?
Elisabetta nâavait jamais lu le livre. Elle avait évité de le faire, de la même manière quâon évite de sâattarder sur les souvenirs dâune pénible histoire dâamour. Mais, à ce moment-là , elle décida dâemporter un exemplaire en Afrique. Elle commencerait à lire dans lâavion. Ce serait comme une conversation longuement reportée. Distraitement, elle feuilleta le volume et parcourut un paragraphe ici et là . Le style était empreint de légèreté. Flavia, visiblement, était un bon écrivain et Elisabetta en fut heureuse.
Une
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