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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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aujourd’hui, voudraient priver la Couronne de ce qui lui revient.
    — Vous pensez à monsieur le connétable...
    — Je pense à celle qui, derrière le connétable, fait passer les intérêts de sa famille avant ceux de la France.
    La petite ouvrit grands ses yeux : on lui avait dit que Madame avait été, jadis, élevée par Anne de Beaujeu ; se pouvait-il, dès lors, qu’elle lui manquât de respect ? Louise lut dans ses pensées et devança son étonnement.
    — Autrefois, j’ai respecté cette femme ! Je l’ai même adulée. Jusqu’à ce qu’elle vende la pureté de mes douze ans à un époux vicieux de trente-quatre !
    Anne buvait les paroles de sa maîtresse. Louise donnait à présent le sentiment de vouloir s’assoupir, tandis que ses femmes dénouaient ses longs cheveux et les coiffaient avec application.
    Elle reprit cependant, mais d’une voix éteinte.
    — Son manoir de Chantelle ressemble au Paradis, ma petite. Mais c’est un paradis d’après la Faute. Ma famille est apparentée à Mme de Beaujeu ! Eh bien, cela m’autorise d’autant plus à déplorer que la fille en soit venue à saper l’œuvre du père.
    Louise de Savoie faisait allusion aux efforts du roi Louis XI, jadis, pour agrandir le territoire de la Couronne ; il lui semblait que l’ancienne régente, quoique fille préférée de ce grand souverain, travaillait plutôt dans le sens opposé...

    Il y eut un nouveau silence. Madame paraissait vaguement sommeiller ; en vérité, elle rêvait. Elle se rappelait le temps béni – c’était en 1505 – où séjournant à Moulins pour le mariage du petit Charles de Montpensier, celui même qui deviendrait le connétable de Bourbon, elle avait éprouvé le plus vif élan pour ce prince de quinze ans... À la simple idée de ces temps de grâce, Louise se sentit parcourue de frissons.
    Cette année-là, deux ou trois jours avant les noces, elle n’avait pas hésité à initier, de volonté délibérée, le beau Charles au plus délicieux des devoirs ; elle conservait, intact, le souvenir de son jeune corps plein de sève. Dieu qu’il était gauche, alors, gauche et gracieux à la fois, et doux et brusque ! A présent Charles rejetait avec mépris sa demande en mariage – pire : il intriguait contre elle et contre le roi, son fils... Comme tout change, se disait Louise, comme tout se tourne et se défait dans le cours d’une vie !
    La délicieuse Anne d’Heilly croyait sa maîtresse endormie quand elle eut la surprise de l’entendre murmurer.
    Que disait-elle ?
    Que le projet du roi Louis XI, son grand dessein français, serait mené à bien. Coûte que coûte.
    1 - Castor et Pollux, cavaliers mythiques de l’Antiquité.

Chapitre III
    Printemps 1522
    Manoir d’Anet.
    P our le grand sénéchal et sa jeune épouse, les beaux jours étaient devenus prétexte à se retrouver au vieux manoir d’Anet, demeure de brique et de pierre, avec ses tourelles, ses échauguettes, ses poivrières héritées de la guerre de Cent Ans. Le climat du Vexin, doux, presque tendre, enchantait ce cadre désuet, et donnait à ses hôtes le sentiment d’un bonheur plus accessible. De bon matin, Louis de Brézé suivait sa femme à travers bois, pour des courses roboratives. Comme dans les contes, sa monture était noire de charbon ; celle de Diane, blanche comme le lait... Ils évitaient soigneusement le manoir de Rouvres, où le père de Louis, Jacques de Brézé, avait tué sa mère un demi-siècle plus tôt : ayant trouvé sa femme, une des filles d’Agnès Sorel, au lit avec un de ses veneurs, il avait percé les amants de plus de cent coups de dague !
    Les Brézé rentraient de leurs chevauchées fourbus mais ravis, et plus proches l’un de l’autre en dépit des quarante ans qui les séparaient. Quarante années... Qu’importait au vieux cavalier ! Grand veneur de France et donc chasseur invétéré, il conservait une forme étonnante. Certes, il apparaissait voûté, au point que certains l’aient dit bossu ; mais les épreuves de la vie n’avaient pas entamé sa vitalité. De larges mâchoires, un nez massif, des yeux pénétrants ajoutaient à la force de son allure. Mais à qui le connaissait bien, le comte de Maulevrier – c’était son titre – réservait des trésors de bienveillance et de compréhension. Rompu aux missions de bons offices, il savait à l’occasion se montrer charmeur, et n’avait pas mesuré sa peine pour se faire respecter et même

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