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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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de Huang Jinrong mais y renonce pour ne pas l’alarmer prématurément. Il sera toujours temps de l’informer s’il ne parvient pas à décourager la Bande verte de s’en prendre à eux. Depuis quelques années, en réalité depuis que Shanghai est devenue la ville la plus prospère de Chine, elle attire à elle plus que les aventuriers et les brasseurs d’affaires du monde entier. Les pirates, les trafiquants, les hors-la-loi, les criminels s’y installent pour tirer profit, eux aussi, de sa richesse nouvelle. De tout temps, ils ont écumé la région, le Grand Fleuve et les ports mais, désormais, Shanghai est pour eux une terre de conquête où prospérer. Ils sont devenus si puissants qu’ils n’hésitent pas à racketter les grandes sociétés, comme ils le font avec les petites entreprises, trop faibles pour se défendre contre leur chantage.
    —Je pensais aux nouveaux terrains viabilisés que nous venons d’acheter au sud de la concession française, ment-il. À quoi les destinez-vous ?
    Olympe s’assied près de lui, étonnée.
    — Je pensais vous l’avoir dit, Joseph. Nous avons besoin de nouveaux entrepôts et je voudrais les bâtir là. Mais j’envisage aussi de construire des ensembles de maisons mitoyennes, des shikumen , avec tout le confort moderne, l’eau courante, le gaz, l’électricité, un cabinet de toilette dans chaque appartement. Deux étages par maison, une quarantaine de maisons par ruelle, toutes construites sur le même modèle, et cinq ruelles en tout, soit deux cents maisons qui pourraient abriter quatre cents familles. Qu’en dites-vous ?
    — Et à qui allons-nous les louer ? Les Européens préfèrent acheter. Les Américains aussi.
    — Aux Chinois, Joseph. Beaucoup vivent dans des conditions déplorables, sans hygiène, vous le savez aussi bien que moi. Il faut les loger décemment.
    — Vous oubliez qu’ils sont pauvres, Olympe. Jamais ils ne pourront payer les loyers.
    — J’ai décidé que les loyers seront faibles. Et ils pourront les payer.
    Joseph se redresse dans son fauteuil.
    — Ce n’est pas une bonne idée, Olympe, je m’y oppose formellement. Si les loyers sont faibles, nous mettrons des années à récupérer notre investissement, à supposer que nous le récupérions un jour. Car je connais mes compatriotes. Même avec des loyers modérés, ils feront tout pour ne pas vous payer. Et le jour où, après de multiples actions en justice, vous croirez les obliger à régler leurs dettes, ils auront disparu et vous aurez tout perdu !
    — Vous êtes d’un pessimisme, mon pauvre Joseph !
    — Non, je connais les Chinois mieux que vous et je neme fais aucune illusion sur leur compte. J’ajoute que la Compagnie du Yangzi n’est pas une société philanthropique.
    — Je croyais qu’un bon chrétien comme vous serait plus charitable envers ses semblables.
    — Être un bon chrétien ne signifie pas dépenser des taëls à tort et à travers pour des gueux. Surtout quand il s’agit des capitaux d’une entreprise qui doit gagner de l’argent et non en perdre.
    — Si vous ne voulez pas me suivre dans cette affaire, libre à vous, dit Olympe en se levant. Je créerai une société spécialement pour construire et gérer ces shikumen avec un partenaire capable de voir plus loin que son intérêt immédiat. Sur mes fonds personnels, rassurez-vous.
    Troublé, Joseph se lève à son tour.
    — Olympe, écoutez-moi. Je n’ai rien contre vos projets, mais je réclame une plus grande prudence. Notre société se porte bien, elle suscite des appétits, et pas des plus rassurants.
    Olympe s’immobilise. De sombres souvenirs remontent instantanément à sa mémoire, spectres noirs qu’elle pensait n’avoir jamais à revoir.
    — Du genre Kassoun ? interroge-t-elle, d’une voix mal assurée.
    — Pire que ça, répond Joseph en s’approchant d’elle. J’ai reçu la visite d’un envoyé de la Bande verte. Ils menacent de s’en prendre à nos enfants si nous refusons de payer la protection qu’ils prétendent nous apporter.
    — Nous n’avons besoin d’aucune protection, vous le leur avez dit ?
    — Évidemment. Ce n’est qu’un prétexte pour nous extorquer de l’argent.
    — Que comptez-vous faire ?
    — Les signaler sans attendre au commissaire de policede la concession et au conseil municipal ainsi qu’au Taotai pour qu’ils prennent des mesures immédiates.
    — Ils les connaissent ?
    — Je les connais, moi, et j’imagine qu’ils

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