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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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Huangpu et Chang prend tout son temps pour observer les grands clippers et les cargos à vapeur remontant lentement le fleuve pour négocier le large coude à quatre-vingt-dix degrés qu’il dessine juste à hauteur du sémaphore.
    Arrivé au pied de la tour où la time ball va chuter le long de son mât à midi pile, Chang regarde autour de lui. Aucune trace de Blois. Il commence à s’inquiéter quandil aperçoit en contrebas sur le fleuve un pêcheur chinois lui faire signe de son sampan amarré à un godown . Sous le déguisement, il reconnaît Blois qui lui fait signe de le rejoindre et descend aussitôt sur la passerelle de bois.
    — C’est bourré d’Anglais par ici, explique le Français une fois Chang à bord. Pas facile de passer inaperçu sauf à se travestir. Pas très pratique mais au moins nous ne courons pas le risque de nous faire repérer.
    — Vous ne croyez pas que vous êtes un peu trop prudent ?
    — On n’est jamais trop prudent, mon vieux. Surtout avec les Anglais mais aussi avec vous, les Hans. Impossible de savoir si on est suivi ou pas, vous vous ressemblez tous. D’où le sampan. Au moins, on n’a personne derrière soi et on peut discuter sans danger.
    Chang n’ajoute rien mais quand il observe avec quelle habileté Blois dirige son sampan, il ne peut s’empêcher de lui en faire la remarque.
    — On dirait que vous faites ça depuis toujours, complimente-t-il.
    — Il faut savoir tout faire dans nos métiers.
    — Ne perdons pas de temps, dit Chang. Avez-vous des bonnes nouvelles pour moi ?
    — Pas encore, répond le Français. En deux mots, c’est à Paris que ça coince. Autant Hardouin, notre consul à Canton, est favorable à votre cause et est parvenu à convaincre le gouverneur du Tonkin, autant à Paris, ils font la grimace.
    — C’est-à-dire ?
    — Ils ne sont pas convaincus, mon vieux. Je ne peux pas entrer dans le détail mais, pour le moment, ils ne sont pas encore prêts à vous livrer des armes. Je suis désolé.
    — N’ai-je pas été assez convaincant ? questionne Chang. 
    — Si, mais les projets du docteur Sun Yat-sen méritentd’être étudiés avec soin, voilà ce qu’on m’a dit. La France n’est pas opposée à son projet de créer une république dans le sud de la Chine à partir du Guangxi et du Guangdong mais elle refuse que le Tonkin lui serve de base arrière. Comprenez-nous, monsieur Pivoine, nous ne pouvons prendre parti de façon aussi évidente contre Pékin.
    Chang, très dépité, se demande comment il va annoncer cet échec à Liu Piu-zhai quand le Français reprend la parole :
    — Je comprends votre déception, pour autant rien n’est perdu. L’on m’a prié de vous dire que l’on étudie soigneusement votre requête aux Affaires étrangères comme au ministère des Colonies. Les deux ne sont pas du même avis. Ce qui explique notre réponse actuelle. Ne vous découragez pas pour autant et continuez de plaider votre cause par tous les canaux possibles. En France, au Japon, le docteur Sun Yat-sen a des sympathisants, des gens qui croient en lui et qui sont prêts à le soutenir. Pas tout de suite car ils sont minoritaires. Mais un jour, la balance penchera du bon côté.
    — Quand ?
    — Quand la France y trouvera son intérêt ou quand elle ne pourra plus faire autrement. Ça se résume toujours ainsi, au final.
    Sans que Chang s’en soit rendu compte, ils sont arrivés à l’extrémité sud du quai de France et les grosses murailles de Nanshi se dressent de l’autre côté de la forêt de mâts des jonques et sampans amarrés sur le fleuve.
    — Nous devons nous séparer à présent, monsieur Pivoine. Je vais vous déposer sur ce débarcadère.
    — Quand nous reverrons-nous ? demande Chang, complètement dépité.
    — Je n’en sais rien, mais si j’ai besoin de vousrencontrer, je laisserai un message pour vous derrière le tronc du pilier nord de la cathédrale Saint-Ignace. Vous vous y rendrez chaque semaine pour voir s’il s’y trouve. Mais soyez patient. Ces choses-là prennent beaucoup de temps.
    — Le peuple n’a pas toujours le temps d’attendre, ne l’oubliez pas, monsieur Blois, réplique Chang en débarquant sur le ponton branlant.
    À sa grande surprise, Blois se met à rire.
    — Ne vous faites pas trop d’illusions, mon vieux : c’est rarement le peuple qui décide, dit-il avant de remettre le sampan dans le sens du courant d’un vigoureux coup de godille.
     
    *
     
    Liu Pu-zhai ne paraît

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