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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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cette faille sanglante. Le côté droit de son visage était si bien tranché de ses attaches qu’il avait glissé sur son menton. Ses lèvres tordues étaient bleues. Le saignement était spectaculaire, mais, après un examen rapide, il ne pouvait être qualifié de torrentiel.
    Tannhauser maîtrisa son horreur, et, de la main gauche, il remit sa chair pendante en place, lui ouvrit la bouche et chercha dedans avec ses doigts. Il en sortit un bouchon épais et gélatineux et une dent cassée, qu’il balança de côté. Bors respira bruyamment. Tannhauser remit sa main, plus profondément, et évacua une autre masse visqueuse. Bors eut un haut-le-cœur, jeta sa tête et ses épaules en avant, et vomit une pâtée rouge sur ses cuisses, puis ses mains battirent l’air pour saisir ses genoux, et sa poitrine explosa en violents spasmes de toux.
    Le poing de l’effroi se serra sur l’estomac de Tannhauser. Il saisit la dague plantée dans le cadavre pour couper les lanières d’un côté de la cuirasse de Bors. Avec les convulsions qui secouaient la masse de l’Anglais, c’était un sacré travail, mais il réussit et il balança les lourdes plaques sur le sol. La poitrine délivrée de cette constriction, Bors toussa suffisamment pour s’éclaircir les poumons, et ses esprits suivirent rapidement, du moins au point qu’il essaya de saisir Tannhauser à la gorge. Le lambeau sanglant masquait un œil, l’autre était fermé tant il était gonflé, et pour le moment Bors était aveugle. Tannhauser saisit les poignets tâtonnants pour éviter d’être étranglé.
    « Bors, c’est Mattias. Le combat est fini. C’est Mattias.
    – Mattias ? » Le visage sanglant et aveugle se redressa subitement.
    « Oui. La bataille est terminée, répéta-t-il. On les a battus, pour l’instant.
    – Suis-je irréparable ? demanda sa voix qui n’arrivait pas à articuler à cause des difformités.
    – Non, tu as juste gagné de quoi justifier tes vantardises pendant les vingt prochaines années. » Tannhauser enleva les mitaines d’acier ensanglantées de Bors. « Tu peux te lever ? Prends mes mains. »
    Bors cracha et se remit debout, puis trouva son équilibre. « Ne bouge pas », dit Tannhauser. Il repoussa le lambeau d’arcade sourcilière à sa place, sur l’os du crâne apparent, et un œil cligna face à la lumière matinale. « Tiens. » Tannhauser prit la main droite de Bors et la guida pour qu’il puisse maintenir le lambeau de chair en place avec ses propres doigts. Puis Tannhauser passa la cuirasse défaite sur son épaule, la tenant par les lanières rescapées.
    « Accroche-toi à mon bras, dit-il.
    – Tu me prends pour une femme ? »
    Bors localisa son épée à deux mains et, opiniâtre, il la récupéra pour s’en servir de béquille. Ils traversèrent le funeste remblai et Bors s’arrêta et se retourna pour contempler la vue de son seul bon œil. « Blessures du Christ ! » lâcha-t-il.
    C’était un inventaire de l’ouvrage de cette nuit aussi bon qu’un autre et Tannhauser, qui n’avait rien à y ajouter, se contenta d’acquiescer. Mais l’exclamation de Bors répondait à quelque chose de plus que le carnage. Il désigna de sa main libre une direction que Tannhauser suivit.
    À une vingtaine de pas de distance, une forme maigre, tête nue, était ramassée sur ses talons en haut de la monstruosité emmêlée de cadavres qui débordait de la douve. Sa cuirasse de peau couverte de saletés était trop grande pour sa poitrine, et ses longs bras minces qui en dépassaient lui donnaient l’air d’un scarabée sur une colline d’excréments. Il tenait entre ses doigts quelque chose qu’il examinait et qui brilla en prenant la lumière, peut-être une broche ou une dague incrustée de joyaux. Une sorte d’intuition de loup lui fit relever la tête et il regarda droit vers eux, le visage aussi souillé que sa pauvre cuirasse. Des dents étincelèrent dans la saleté et il leva une main pour les saluer.
    « Oui, bien sûr, dit Bors. Je te jure que c’est Orlandu di Borgo. »
     
    LE GARÇON COURUT vers eux quand ils lui firent signe, s’arrêtant pour ramasser la masse abandonnée par Tannhauser. Ainsi, il l’avait observé. Le sentiment était étrange. Orlandu s’arrêta devant eux, fier comme un coq de combat d’avoir été appelé par de tels géants du champ de bataille, et il fit une courbette. Sous la crasse, et mince comme il

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