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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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l’était, ses traits étaient rougis par la sève de la jeunesse. Ses yeux étaient d’un fort marron tirant sur le jaune. Un nez fin et des lèvres délicates. Un gamin vif d’esprit, et apparemment capable de petites fourberies. L’ensemble rencontra l’approbation de Tannhauser. Il s’imagina qu’il parvenait à voir le fantôme de Carla – une sensibilité innée, peut-être – et, plus certainement, les longs membres et une capacité à ruminer les pensées venant de son père, Ludovico.
    « Ainsi, tu es Orlandu Boccanera, dit Tannhauser.
    – Orlandu di Borgo, Mon Seigneur », corrigea le jeune, aussi impertinent que possible. Il releva la tête. « Et vous êtes le brave capitaine Tannhauser.
    – Tu m’as fait mener une drôle de danse », dit Tannhauser.
    Le garçon eut l’air sur ses gardes, comme si on l’accusait d’une espièglerie, sans bien savoir de laquelle. L’objet brillant n’était nulle part en vue.
    « Qu’as-tu volé au mort ? » demanda Tannhauser.
    Il regarda Orlandu envisager une supercherie. Tannhauser tendit la main. Le bras du garçon vola et une dague apparut dans sa paume. Sortie de sa manche avec art. Il la donna à Tannhauser avec l’air piteux de qui voit disparaître quelque chose de précieux, à jamais. Le fourreau était de cuir vert mousse, avec un bout du même argent que ses incrustations. Il sortit la dague. Sa garde était ornée d’une émeraude.
    « C’est un hancher , dit-il. Appartenant à un corbacy , au moins. C’était un chevalier turc qui le portait ? Tu pourrais te raser avec si tu pouvais déjà revendiquer une barbe. » Orlandu haussa les épaules, déterminé à montrer un visage brave face à sa perte. Tannhauser rengaina la dague. Il la lui tendit et le garçon se lécha les babines. « Ne laisse pas les Espagnols la voir, sinon il te faudra la leur coller entre les côtes. »
    La dague disparut aussi vite qu’elle avait apparu et Tannhauser sourit.
    « Viens, dit-il. Bors a besoin de quelques travaux d’aiguille, et je ne veux pas qu’il fasse la queue, car elle va être longue.
    – Dois-je me mettre à votre service, Mon Seigneur ? » demanda Orlandu. La perspective semblait l’enchanter.
    Tannhauser se mit à rire. L’épuisement engendré par la tragédie de cette nuit s’estompa. C’était un endroit de bon augure pour retrouver le garçon. Ils étaient tous en vie, après tout, et, de l’autre côté de la baie et au-delà de la porte de Kalkara, à Zonra, son fameux bateau les attendait. Les bras d’Amparo l’attendaient aussi, et un sourire sur le visage de Carla. Le vent avait tourné, enfin. Plus. Il le poussait déjà vers chez lui, vers les côtes de l’Italie.
    « Dois-tu te mettre à mon service ? dit Tannhauser en balançant l’armure de Bors dans les bras longilignes d’Orlandu. Pourquoi pas ? Voilà un changement qui sera le bienvenu aujourd’hui. »

MARDI 12 JUIN 1565
    Saint-Elme – La Barbacane – Le Solaire – Le quai
    LE TEMPS QUE TANNHAUSER emmène Bors à la chapelle, un bûcher funéraire de membres amputés emplissait déjà l’enceinte d’une odeur de viande brûlée. La masse des morts était empilée dehors dans la poussière et il leur fallut se frayer un chemin dans un fatras de corps mutilés. Tannhauser ferma ses oreilles à leurs murmures demandant miséricorde. Dans la chapelle, à l’autel, se tenait une messe de remerciement pour leur victoire. À quelques pouces du chapelain, les chirurgiens aux tabliers écarlates maniaient leurs scies. Espérant épargner à Bors le plus de supplice possible, Tannhauser localisa son sac et en sortit une bouteille de brandy, que Bors fit descendre dans sa gorge en employant le plat de son épée pour défendre sa gloutonnerie.
    Tannhauser trouva un chemin entre les blessés, glissant de temps à autre sur les innombrables caillots, et vint encourager les chirurgiens. Coincé par ses suppliques, Jurien de Lyon fit attendre un soldat espagnol dont les tripes coagulées pendaient sur l’entrejambe, et inséra vingt-sept sutures en boyau de mouton dans le visage de Bors. À la fin – et l’amélioration était tout à fait remarquable – les traits rassemblés de Bors étaient de la couleur d’une aubergine pourrie et si enflés qu’il n’y voyait plus rien. Tannhauser mit son sac sur son épaule, avala les gouttes de brandy survivantes, et guida la masse aveugle et trébuchante de Bors dehors

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