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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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« La gloire. »
    1  . Sorte d’ancêtre turc de la grenade à main, faite en terre cuite ou en
    verre.
    2  . Pétrole.
    3  . En français dans le texte.

LUNDI 11 JUIN 1565
    No man’s land
    QUAND L’AUBE SE LEVA sur les fortifications de l’est, sa lumière incertaine prêta aux bancs huileux de fumée une nuance de jaune, et quelque part au-delà de cette lueur ocre, les cuivres turcs sonnèrent la retraite, et les restes vaincus d’une douzaine d’ orta de janissaires dérivèrent dans la brume comme des spectres flagellés, puis ils disparurent. Le long de la crête couverte de sang, les soldats de la croix, en lambeaux, regardaient avec une indifférence abrutie l’ennemi disparaître, trop épuisés pour vraiment comprendre que la nuit était leur et que leur bannière verrait un autre jour.
    Tannhauser tomba sur un genou, s’appuya sur la garde de son épée pour reposer son front sur ses gantelets et ferma les yeux. Pendant quelques instants précieux, il fut seul dans un silence démesuré, dans lequel il n’émit aucune question et duquel ne lui vint aucune réponse. Puis il entendit les murmures hululants des blessés, et une succession de sanglots rauques et de prières s’élevèrent, non pour louer Dieu, mais pour lui demander son pardon.
    Tannhauser releva la tête. Son cou était raide et douloureux du poids de son casque et des nombreux coups qu’il avait supportés. Ses gantelets étaient couverts d’une croûte lie-de-vin, qui s’en alla par plaques quand il les ôta. Ses mains étaient noires de bleus et ses phalanges lui firent mal quand il les plia. Le bracelet d’or qu’il avait au poignet portait l’empreinte de deux coups de cimeterre. Non pour les richesses ou l’honneur, mais pour sauver mon âme . Il rangea les gantelets et planta la masse dans le sol avant de se relever. Il remit son épée au fourreau. L’air était malsain et devenait putride à respirer. Le jour naissant dévoilait un paysage infernal si funeste et si répugnant qu’aucun artiste n’aurait osé le peindre de peur d’attirer une malédiction sur son talent.
    Au-delà des remparts dévastés sur lesquels il se tenait et s’enfonçait – dans une marinade fétide de sang, de détritus, membres, organes, cervelles et des contenus évacués de milliers de vessies et d’entrailles –, s’étendaient les corps de quelque quinze cents musulmans. Ils débordaient de la douve gémissante et s’étalaient au travers du no man’s land souillé et pestilentiel comme les traces de quelque catastrophe contre nature. Et Tannhauser se sentit honteux. Puis il eut honte de sa honte, car c’était mensonge, et tuer au moins était honnête. Ici et là des flaques de feu grégeois frémissaient encore et un bras s’éleva puis retomba, et une forme se contorsionnait vainement pour s’éloigner du bouillon fumant avant de rejoindre les morts fraîchement massacrés, pour retomber dans le bourbier et cesser de lutter.
    « Tous ces hommes étaient nés chrétiens ? »
    Tannhauser se retourna vers Agoustin Vigneron. Les yeux du Français étaient rouges et gonflés et sa voix sèche comme une râpe.
    « La plupart d’entre eux », dit Tannhauser.
    Agoustin secoua la tête. « C’est terrible que leurs âmes soient désormais damnées pour l’éternité. »
    Tannhauser dénia à son propre désespoir le luxe de cette expression. Il laissa la masse plantée debout dans les cailloux, comme un monument païen à sa propre malfaisance, et partit à la recherche de Bors.
    Il le trouva dans le no man’s land , étalé, le dos tourné et sans casque, contre un monticule de janissaires morts vêtus de jaune. Sa main droite tenait encore une dague plantée dans la poitrine d’un cadavre. Tannhauser avança lourdement vers lui, ses bottes en lambeaux trébuchant sur les débris laissant apparaître des blessures aux chevilles et aux genoux. Bors était sans connaissance et, à en juger par le stridor rauque de sa gorge, il s’étouffait dans son propre sang. Il fallut deux tentatives pour remettre sur le dos son énorme torse couvert d’acier. Tannhauser eut un mouvement de recul, momentanément dégoûté par ce qu’il vit. Le visage de Bors à moitié coupé en deux. Une entaille large et profonde descendait d’au-dessus de son sourcil droit jusqu’à l’angle gauche de sa mâchoire. Nez et joue étaient tellement ouverts qu’os, cartilage, gencives et dents brillaient le long de

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