La Religion

est encore là, c’est là que tu le trouveras.
    – Je vous remercie pour cela.
    – Orlandu est un excellent garçon. Je lui souhaite bonne fortune. »
    Ludovico opina. « Voilà une autre raison qui me fait souhaiter que vous vous enfuyiez chez le Turc. Si je n’arrivais pas à trouver mon fils, je payerais une grosse rançon pour qu’il revienne de Constantinople. » Il ajouta : « Il est ma chair. »
    Tannhauser acquiesça. « Donc, dans ce puits nous scellons un marché en deux volets.
    – Bien, dit Ludovico en se levant. Reste-t-il une partie de ce plan qui ne soit pas claire ? »
    Tannhauser se remit sur pied. « Et si je révélais ton plan à La Valette ?
    – Alors Del Monte ne réussirait pas, issue très décevante et qui blesserait ma fierté, mais ce ne serait pas un désastre. Par contre vous seriez obligé de confronter votre accusation de conspiration absurde avec le témoignage de quatre chevaliers héroïques et de bonne lignée, et vous seriez reconnu coupable de désertion, sur le témoignage de Carla elle-même. Les tortionnaires seraient mis à l’œuvre, vous confesseriez une vile diffamation et au coucher du soleil vous vous balanceriez sous un gibet.
    – Et si je partais simplement par la porte de Kalkara pour toujours ?
    – Mes agents dans la cour de justice doivent avoir des nouvelles de la mort de La Valette avant que le soleil n’éclaire le mont San Salvatore. Sinon, Amparo mourra à sa place. Elle mourra d’une manière très déplaisante et dans la terreur. Si La Valette vit, Amparo meurt. Le choix est vôtre.
    – Tu risquerais l’aversion de Carla ?
    – Carla ne l’apprendrait jamais. On lui ferait comprendre que j’ai permis à Amparo de quitter l’île avec vous. »
     
    Tannhauser ignora le fer rouge dans son estomac. Il acquiesça. « Une fois de plus, je te félicite.
    – J’ai un homme proche de La Valette dans l’église, ajouta Ludovico. À la première tricherie de votre part, il donnera l’ordre de tuer cette fille.
    – Cela reste un travail très délicat, dit Tannhauser. Son essence est furtive. Si je découvre un seul chevalier qui me suit en cliquetant dans le noir, ou l’un de tes familiers sur mes traces, je ne réponds pas de leurs vies.
    – Le degré de confiance que vous réclamez est à vous. J’admets qu’il vous est nécessaire. Mon homme surveillera La Valette uniquement, pas vous. Vous trouverez votre équipement et vos affaires derrière la porte. Une barque attend devant le quai. Buraq est attaché près du pont en ruine.
    – Quand nous nous sommes rencontrés la première fois, tu m’as absous de mes péchés », dit Tannhauser.
    Ludovico l’étudia un instant, comme s’il pensait à une moquerie. Il n’en trouva pas trace. Il leva la main droite.
    « Ego te absolvo a peccatis tuis in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, Amen. »
    Ludovico se retourna et commença à s’éloigner dans le noir.
    « À la porte de Kalkara, dit Tannhauser, qui nous a trahis ? »
    Ludovico s’arrêta et se retourna, silhouette noire maintenant sans visage devant les ténèbres.
    « Votre “fille”, Amparo, dit-il.
    – Je ne te crois pas, dit Tannhauser.
    – Qu’elle doive abandonner Buraq lui brisait tellement le cœur qu’elle a raconté au cheval tout ce qu’elle savait. »
    Ludovico souriait-il dans le noir ? Tannhauser ne pouvait pas le dire.
    « La vieille Sicilienne a tout entendu. »

SAMEDI 8 SEPTEMBRE 1565 – LA NATIVITÉ
DE LA SAINTE VIERGE MARIE
    L’église de l’Annonciation – San Lorenzo –
La cour de justice
    LE TEMPS qu’il ait localisé Gullu Cakie, dans l’église de l’Annonciation, l’humeur de Tannhauser était proche de l’ébullition. L’extase de larmes qui envahissait l’église calma quelque peu sa fureur, et cela valait mieux, car il voulait que le sang dans ses veines coule aussi froid que neige.
    Même s’il faisait encore vraiment noir, l’église de la paroisse débordait de monde et elle allait déborder ainsi jusqu’à la tombée de la nuit suivante. Que la délivrance du péril musulman tombe un jour aussi saint, tout le monde y voyait un signe de la compassion divine. Et si cette année, le peuple n’avait pas de moissons à célébrer, il avait arraché sa liberté sur le champ de bataille, et c’était pour cela qu’il livrait ses plus ardents remerciements au Christ et à la Vierge. L’été s’achevait et