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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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tomber aux pieds de la vieille sorcière. Il rengaina son épée et saisit la vieille par son chignon de cheveux blancs.
    « Mène-moi à Amparo. »
    Sa bouche édentée se ferma avec force. Son visage incarnait cette malveillance particulière qui n’appartient qu’à certaines femmes desséchées face à l’hiver de leurs jours. Elle avait des yeux minuscules qu’elle agitait d’un côté à l’autre, prise d’une peur aveugle. Tannhauser la traîna, hurlante, pour lui plonger le visage dans les flaques grandissantes du sang de Ponti et Remigio. Elle s’égosillait en se vautrant dedans comme un damné nouvellement arrivé en enfer. Elle essaya de se remettre debout, n’y parvint pas, retomba dans le bain de sang en roulant dedans comme un chien affolé.
    Tannhauser se tourna et tendit son pistolet à Gullu Cakie.
    « Bors est quelque part en dessous. Il y a un geôlier de garde. »
    Gullu prit le pistolet en acquiesçant. En faisant le tour du hall, il ramassa l’épée de Tasso. Tannhauser arracha la harpie à son bain rafraîchissant et la poussa vers l’escalier. Elle grimpa les marches à quatre pattes comme une araignée folle, tremblante de sanglots d’horreur et hoquetant des crachats de bile sur sa robe puante, et Tannhauser n’entendait aucun murmure de pitié monter de sa propre conscience. En haut des escaliers, une lampe brûlait sur un support et Tannhauser la ramassa en poussant la vieille dans le dos. Elle s’avança en trébuchant, et s’arrêta devant une lourde porte. Elle fouilla dans sa poitrine et sortit une clé attachée à une corde. Elle la fit tourner dans la serrure et poussa la porte pour l’ouvrir, avant de tomber à genoux à ses pieds, jetant ses bras autour des chevilles de Tannhauser en bredouillant. Et il comprit alors que Ludovico avait menti et qu’il était arrivé trop tard, et de beaucoup.
    Il baissa les yeux sur la vieille. Son visage était un masque de rides cramoisies.
    Il dit : « Qui ?
    – Anacleto », gémit-elle.
    Il lui flanqua un coup de pied pour l’expédier dans la chambre et elle laissa un sillage gluant en rampant jusque dans un coin où elle se mit à mâcher ses phalanges avec ses gencives.
    Tannhauser entra.
    Une première lueur citronnée passait à travers une haute fenêtre et tombait sur le lit où gisait Amparo. Il posa la lampe et s’approcha. Elle était nue et froide et le tissu avec lequel elle avait été étranglée était toujours serré autour de son cou. Il enleva le garrot. C’était de la soie, du rouge sombre des grenades, et elle n’avait laissé aucune trace sur sa gorge. Il se rendit compte que c’était la robe de Carla. La robe qu’elle avait emmenée à sa demande à lui. Il la jeta sur le sol. Il vit les bleus sur les bras d’Amparo, vieux de plusieurs jours, et il comprit qu’elle avait été violée, encore et encore, pendant tout ce temps. Ces constatations le laissèrent comme engourdi et muet. Il s’assit sur le matelas et lui prit la tête dans ses mains pour la relever vers lui. Ses cheveux étaient encore doux et brillants. Sa peau était blanche comme perle. Ses lèvres avaient été drainées de toute couleur. Ses yeux étaient ouverts, un brun, un gris, et le voile de la mort les recouvrait. Il n’arrivait pas à se décider à les fermer. Il lui caressa la joue gauche, redessinant l’os meurtri qui lui avait en quelque sorte révélé son étrange et incomparable beauté. Il toucha sa bouche. Parmi les milliers de ceux qui étaient morts du fléau abattu sur ces rivages, elle était l’âme la plus pure. Elle était morte seule et violée, et sans défenseur sur qui compter. Son engourdissement se brisa et un chagrin affreux le submergea, mais cette fois il n’y avait pas d’Abbas pour arrêter ses larmes. Il avait échoué à la protéger, et pire encore. Il n’avait pas eu le courage de l’aimer comme elle le méritait. De l’aimer comme elle l’aimait, même s’il ne l’avait pas mérité. De l’aimer comme il l’aimait en vérité, ce qui était au-delà de son pouvoir de l’exprimer, alors et maintenant. Il n’avait pas osé rencontrer un tel amour en face. Il s’était caché à lui comme un malotru. Et il réalisa combien sa vision du courage était mesquine, quand Amparo avait fait montre d’un courage véritable et indomptable. Il tenta de se souvenir de la dernière chose qu’elle lui avait dite, et il n’y parvint pas, et au fond de

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