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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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remportés des succès militaires aussi
importants que la résistance de Madrid et la victoire de Guadalajara, ait pu
tomber si peu de temps après. C’est que les problèmes proprement politiques
priment en définitive les autres, conformément au principe souvent cité de
Clausewitz suivant lequel « la guerre est la continuation de la politique par d’autres
moyens ». Le redressement de la situation militaire entre septembre 1936
et avril 1937 devient ensuite un facteur secondaire par rapport aux
modifications du contexte politique, aux conditions de sa réalisation et à ses
conséquences.
    Largo Caballero, en prenant la tête du gouvernement, avait cru
que sa seule présence le garantirait contre tout risque d’évolution à droite et
qu’on tout état de cause l’Espagne demeurerait une « république de
travailleurs.» [237] .
Mais, ce faisant, il s’est enfermé dans un cadre qui n’est plus le cadre
révolutionnaire. La politique de la France, de l’Angleterre, de l’U . R.S.S.
qu’il a choisi de ne pas mécontenter pour éviter l’isolement du pays, sont
devenus des facteurs primordiaux de sa politique intérieure, commandent la
conception même de la politique de guerre.
    De même, la restauration de l’État a permis la renaissance
de forces qui semblaient définitivement écrasées au lendemain des journées de
juillet : actionnaires expropriés ou propriétaires terriens,
fonctionnaires anciens et nouveaux, représentants des partis politiques dont l’autorité,
dans le nouvel « État populaire » tend à s’étendre aux dépens de celle des
syndicats. A ce sujet, Carlos Rama écrit : « Ces trois forces conjuguées –
fonctionnaires de l’État, propriétaires, politiques – trouvaient la solution de
leurs problèmes dans la reconstruction de l’État, dans la restauration de l’appareil
légal et dans son prestige politique, juridique et social » [238] .
    La reconstruction de l’État – un moyen pour gagner la
guerre, aux yeux de Largo Caballero – bouleverse les données et le rapport des
forces : elle devient aux yeux de larges couches, petite bourgeoisie,
bureaucratie, un objectif en soi. L’autorité de Largo Caballero sur les
ouvriers a pu la réaliser sous les apparences d’un compromis avec la
révolution. Mais l’État restauré a de plus en plus tendance à rompre avec la
révolution et à la combattre : les forces politiques qui s’expriment à
travers lui rejoignent celles qui agissent sous la pression des forces des
puissances occidentales et de l’U . R.S.S. De l’arrêt de la révolution, on
veut passer à la lutte contre la révolution et, dans cette voie, Largo
Caballero est désormais un obstacle.
Les pressions extérieures : le problème du Maroc
    Aucun exemple n’illustre mieux les conséquences sur la
guerre de sa politique « antifasciste » que la position du
gouvernement Largo Caballero à l’égard du Maroc. Avant la révolution, les vues
du « vieux », telles qu’elles s’exprimaient dans le programme du
groupe socialiste de Madrid, étaient, sans ambiguïté, pour la reconnaissance du
« droit d’autodétermination politique, y compris celui à l’indépendance ».
La participation des Marocains à la guerre civile dans l’armée de Franco
rendait ce problème plus aigu encore. Il est facile, en effet, de comprendre
que la proclamation de l’indépendance du Maroc par le gouvernement républicain
aurait pu avoir d’incalculables conséquences sur le moral des troupes indigènes
servant dans l’armée rebelle : tous les groupes politiques républicains,
les nationalistes marocains et Franco lui-même en avaient pris conscience [239] .
    Cependant, en 1936-37, le problème d’une alliance des
républicains espagnols avec les nationalistes marocains dépasse de beaucoup le
cadre de l’Espagne. La France et l’Angleterre, dont le Front populaire espagnol
attend une aide, sont des puissances coloniales : une agitation
révolutionnaire au Maroc espagnol constituerait une menace directe pour les
positions françaises [240] au Maroc et au Maghreb et inquiéterait l’Angleterre aux prises avec l’agitation
des Egyptiens et des Arabes de Palestine.
    Certains éléments révolutionnaires proposent de
« déchaîner la révolte dans le monde islamique » [241] . Le gouvernement
Largo Caballero choisit la politique contraire : les délégations de
nationalistes marocains venus demander à Valence argent et matériel

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