La Révolution et la Guerre d’Espagne
paysans réagissent
parfois avec violence contre les tenants de la collectivisation, et tournent
leur colère contre les syndicats ou milices ouvrières qui les y ont contraints.
En Catalogne, la G.E.P.C.I., adhérente de l’U.G.T., est l’organisation de masse
qui incarne l’hostilité anti-révolutionnaire de la petite bourgeoisie urbaine.
Le gouvernement basque, plus solide a, lui, pris l’offensive. Ses forces de
police ont occupé l’imprimerie du journal C.N.T. del Norte, saisi à
Bilbao lors des journées de juillet, et c’est le journal communiste Euzkadi
roja qui prend possession des locaux. Les militants de la C.N.T. se
défendent les armes à la main et le gouvernement Aguirre fait arrêter la direction
régionale de la Confédération. Quelques jours après, le 24 mars, le
gouvernement basque annonce de grandes fêtes, dans l’ensemble de l’Euzkadi, à l’occasion
de Pâques, la fermeture de toutes les salles de spectacle pour le Vendredi
saint... Les révolutionnaires s’indignent et songent à se regrouper.
Républicains, socialistes de Prieto, communistes prennent conscience du danger
que constitue le regroupement révolutionnaire qui menace, pensent qu’il
faudrait en finir auparavant avec P.O.U.M., C.N.T. et F.A.I., et stabiliser
définitivement la République.
Largo Caballero comprend son isolement. Auprès de lui, on
parle de plus en plus d’un « gouvernement syndical » [268] , on exalte l’unité
C.N.T.-U.G.T., on revient aux projets de septembre 1936. Le 1 er mai
à Valence a lieu un meeting commun C.N.T.-U.G.T., où Carlos de Baraibar
attaque, quoique en termes voilés, le P.C. et l’U.R.S.S., et exalte l’union de
la C.N.T. et de l’U.G.T., qui sont, à elles deux, toute l’Espagne. Mais ce qui
était possible au lendemain de la révolution ne l’est plus aujourd’hui. Ni la
C.N.T. ni l’U.G.T. ne sont plus des forces homogènes : les milieux dirigeants
sont divisés, la masse des adhérents se range chaque jour plus nettement dans l’un
des deux camps qui se dessinent. Largo Caballero reste au milieu. Il se veut
arbitre au nom de l’État, combat à sa droite ceux qui lui en disputent le
contrôle, à sa gauche ceux qui refusent son autorité. Il ne veut pas relancer
la révolution de crainte de perdre la guerre, mais ne veut pas non plus enlever
aux travailleurs, en luttant ouvertement contre la révolution, leurs raisons de
gagner la guerre. Cependant, représentant des ouvriers à la tête de l’État il n’est
plus maître ni des uns ni de l’autre. Comme le conflit signifierait sa
disparition, il cherche à l’éviter, mais n’y parvient provisoirement, comme
écrit Rabasseire, qu’en « s’abritant derrière l’État fossile », en
composant, en rusant, et, en définitive, en ne faisant rien. C’est Henri
Rabasseire qui résume : « Il intriguait, il composait avec les forces
qui avaient surgi, et tout en espérant les dominer, il confectionna de petites
coteries personnelles ; la routine régnait plus que jamais – pour la
simple raison qu’il s’était proposé la réunion de forces qui ne pouvaient être
contenues par d’autres moyens. Il ne voulait ni la milice, ni l’armée
régulière ; il ne voulait ni l’ancienne bureaucratie, ni la nouvelle
organisation révolutionnaire ; il ne voulait ni la guérilla, ni les tranchées.
Il promit aux communistes la mobilisation générale et le plan de
fortifications, et aux anarchistes la guerre révolutionnaire; en fait, il ne
fit ni l’un ni l’autre. » [269] .
Les journées de mai de Barcelone
C’est en Catalogne que subsiste l’essentiel des conquêtes
révolutionnaires et de l’armement des ouvriers ; c’est là qu’est le
bastion de l’opposition révolutionnaire. C’est là aussi que se trouve l’organisation
la plus résolument décidée à mettre un terme à la révolution, le P.S.U.C. [270] qu’appuient
fermement l’État républicain de Companys et la petite bourgeoisie impatiente de
secouer le joug des anarchistes. C’est là que se produiront les événements qui
mettront le feu aux poudres.
C’est d’abord, le 17 avril, l’arrivée à Puigcerda, puis à
Figueras et dans toute la région frontière, des carabiniers de Negrin venus
reprendre aux miliciens de la C.N.T. le contrôle des douanes qu’ils détiennent
depuis juillet 36. Devant la résistance des miliciens, le Comité régional de la
C.N.T. catalane se précipite sur les lieux pour négocier un
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