La Révolution et la Guerre d’Espagne
compromis. Le 25
avril, à Molins de Llobregat, Roldan Cortada, dirigeant de l’U.G.T. et membre
du P.S.U.C., est assassiné. Le P.S.U.C. réagit avec violence, dénonce les
« incontrôlables » et les « agents fascistes cachés ». La
C.N.T. condamne formellement le meurtre, exige une enquête qui mettrait, selon
elle, ses militants hors de cause. Mais le meurtre de Roldan Cortada est venu
aviver les souvenirs de l’époque des paseos et des règlements de compte
du lendemain de la révolution. Le P.S.U.C. pousse son avantage. L’enterrement
du leader U.G.T. est l’occasion d’une puissante manifestation : policiers
et soldats des troupes contrôlées par le P.S.U.C. défilent en armes pendant
trois heures et demie [271] .
Les délégués du P.O.U.M. et de la C.N.T. venus à l’enterrement comprennent que
la situation est plus grave qu’ils ne l’avaient cru : c’est une
manifestation de force que le P.S.U.C a organisée contre eux. Le lendemain, la
police de la Généralité fait à Molins de Llobregat une expédition
punitive : elle y arrête les dirigeants anarchistes locaux, soupçonnés d’avoir
participé à l’assassinat : et les ramène, menottes aux mains, à Barcelone.
A Puigcerda, carabiniers et anarchistes échangent des coups de feu : huit
militants anarchistes sont tués, et parmi eux, l’âme de la collectivisation de
la région, Antonio Martin [272] .
C’est le moment où, à Barcelone, se répand le bruit de l’arrivée
d’une circulaire du ministère de l’Intérieur prescrivant le désarmement de tous
les groupes ouvriers non intégrés dans la police d’État. Immédiatement, les
ouvriers réagissent : pendant plusieurs jours, suivant le rapport des
forces, ouvriers et policiers se désarment les uns les autres. Barcelone semble
à la veille de combats de rues. Le gouvernement interdit toute manifestation et
toute réunion pour le 1 er mai. Solidaridad obrera dénonce ce
qu’elle appelle « la croisade contre la C.N.T.» et invite les travailleurs
à déjouer toute provocation. La Batalla appelle à veiller « l’arme
aux pieds ».
C’est le lundi 3 mai que la bataille qui menaçait éclate,
avec l’incident du central téléphonique. Le bâtiment a été repris en juillet
aux insurgés par les hommes de la C.N.T. Depuis, le central, qui appartenait au
trust américain American Telegraph and Telephon C° , a été saisi et
fonctionne sous la direction d’un Comité U.G.T.-C.N.T. et d’un délégué
gouvernemental. Il est gardé par des miliciens de la C.N.T. Il constitue un
excellent exemple de ce qu’est la dualité de pouvoirs et de ce qu’il en
subsiste puisque la C.N.T. catalane est ainsi à même de contrôler ou d’interrompre
à volonté, non seulement les communications ou ordres du gouvernement catalan,
mais aussi les communications entre Valence et ses représentants à l’étranger [273] . Ce jour-là,
Rodriguez Salas, commissaire à l’Ordre public et membre du P.S.U.C., se rend au
Central avec trois camions de gardes et y pénètre. Il désarme les miliciens du
rez-de-chaussée, mais doit s’arrêter devant la menace d’une mitrailleuse en
batterie dans les étages [274] .
Aussitôt mis au courant, les dirigeants anarchistes de la police Asens et
Eroles se précipitent à la Telefonica ,où, selon Solidaridad
obrera du 4 mai, « ils interviennent opportunément pour que nos
camarades qui s’étaient opposés à l’action des gardes dans le bâtiment
renoncent à leur juste attitude ». Mais, en même temps, la majorité des
ouvriers se met en grève : Barcelone se couvre de barricades, sans qu’aucune
organisation ait lancé le moindre mot d’ordre.
Le soir, dans la ville sur pied de guerre, se tient une
réunion commune des Comités régionaux de la C.N.T., de la F.A.I., des Jeunesses
libertaires et du Comité exécutif du P.O.U.M. Les représentants du P.O.U.M.
déclarent que le mouvement est la riposte spontanée des ouvriers de Barcelone à
la provocation et que le moment décisif est venu : « Ou nous nous
mettons à la tête du mouvement pour détruire l’ennemi intérieur, ou le
mouvement échoue et ce sera notre destruction. » Mais les dirigeants de la
C.N.T. et de la F.A.I. ne les suivent pas et décident de travailler à l’apaisement.
Le lendemain, 4 mai, les ouvriers dont l’action est approuvée
par le P.O.U.M., les Jeunesses libertaires et les Amis de Durruti, sont maîtres
de la capitale catalane qu’ils
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