La Révolution et la Guerre d’Espagne
reprendrait
volontiers sa tactique d’atermoiement, mais il est obligé de compter avec son
allié germanique. Celui-ci ne semble pas disposé à pousser les choses trop
loin. Il juge que le Comité de non-intervention est un excellent paravent, qu’il
faut se garder de démolir. Nombreux sont encore à Berlin les dirigeants qui
apprécient l’attitude anglaise et ne tiennent pas à provoquer une querelle avec
le gouvernement de Londres. Aussi, dans une note remise le 25 janvier, les deux
gouvernements déclarent-ils avoir déjà introduit une législation « les
habilitant à interdire le départ des volontaires » : ils n’attendent
qu’un accord des puissances pour la mettre en application. Cette bonne volonté
est toutefois limitée par le fait que Berlin refuse de laisser opérer des
agents de la Commission de contrôle dans des Ports allemands. Le contrôle à l’intérieur
de l’Espagne est lui aussi exclu par suite des réponses négatives des
nationalistes et des républicains.
Du moins pouvait-on enfin
entrevoir une issue aux interminables discussions engagées depuis la formation
du Comité. Le projet de contrôle aérien est abandonné d’un commun accord comme
irréalisable. Le contrôle sur terre commele contrôle sur mer doivent
être efficaces et le gouvernement allemand, estimant que le dispositif
germano-italien mis en place en Espagne est suffisant, réclame maintenant la
multiplication du nombre des agents et des postes. Sans doute les cent
cinquante inspecteurs, qui seront répartis sur la frontière française ne
pourront à aucun moment arrêter totalement la contrebande. Et cela et encore
plus vrai pour la frontière portugaise, plus facile à franchir, plus longue que
la frontière française, et surveillée par un nombre égal d’inspecteurs…
La surveillance maritime, elle, est confiée à une patrouille
navale internationale [328] .
Mais, au lieu d’établir un contrôle commun, le projet a divisé la côte
espagnole en cinq secteurs, chacun d’eux étant confié à la garde d’une des
grandes puissances. Le 26 février, l’U. R. S. S., qui était chargée de la
surveillance du golfe de Biscaye, renonce à sa participation au contrôle, étant
sans doute peu désireuse d’occuper des farces navales déjà insuffisantes à une
tâche manifestement inutile. D’ailleurs charger l’Allemagne et l’Italie de la
surveillance sur mer, alors que l’Italie en particulier a largement contribué à
fournir l’Espagne franquiste en navires de guerre, peut apparaître comme une
dérision…
Mais il est vrai que l’instauration d’un contrôle peut gêner
les formes trop visibles d’intervention ; et, pour la première fois, on
est en droit de prendre au sérieux le Comité de Londres. Même le Portugal a
fini par admettre la nécessité d’accepter un contrôle ; l’accord anglo-portugais,
réalisé le 21 février, prévoit, on l’a vu, l’utilisation de cent cinquante
observateurs dans les ports et les points de transit. La date du 8 mars est
même fixée pour le début de l’application des mesures de surveillance :
dans un premier stade, les officiers chargés de la direction du contrôle
arriveront sur les lieux ; mais leur travail ne deviendra effectif qu’après
recrutement de tous les agents nécessaires.
Dans l’esprit du gouvernement britannique, il ne s’agit là
que d’un premier pas. Arrêter l’afflux des volontaires vers l’Espagne en mars
ou avril 37, alors que la guerre dure depuis près de neuf mois, est
relativement facile, la plus grande partie des étrangers venus combattre en
Espagne ayant déjà franchi la frontière. L’Angleterre propose donc, pour que
soit réellement respecté le principe de non-intervention, de rappeler les
volontaires dans leur pays d’origine. Sur ce point, toute possibilité d’entente
est rapidement dissipée. Le représentant italien, Grandi, dont les excès de
langage ont déjà souvent contribué à envenimer les discussions, déclare
froidement, en pleine séance du Comité, que les volontaires italiens « ne
quitteraient pas le sol espagnol avant la victoire complète et définitive de
Franco ». La nouvelle de la défaite italienne à Guadalajara ne fait qu’accentuer
cette position, Mussolini ne pouvant imaginer de quitter l’Espagne sur un échec
si humiliant.
Ainsi, seule l’acceptation du contrôle terrestre et naval
peut-elle limiter l’intervention des puissances dans le conflit espagnol.
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