La Révolution et la Guerre d’Espagne
conservé,
avec sa spiritualité catholique ». L’idée profonde apparaît ici, la
volonté de créer non seulement un véritable parti, c’est-à-dire une
organisation politique utilisable pour le gouvernement, mais une hermandad, une
société fraternelle, telle que la tradition espagnole pourrait la susciter, sur
le modèle des organisations moitié laïques, moitié religieuses créées par les
rois catholiques. Relier le présent au passé, ressusciter la gloire de l’Espagne
sous une « forme neuve », telle est la tâche de la
« Croisade », au moins dans l’immédiat. Car le Caudillo se refuse à
être prisonnier de ses propres décisions et envisage dès ce moment la
possibilité de modifier l’édit : « Ce ne sera pas une chose rigide,
mais sujette à un travail de révision et d’amélioration ».
Le décret proprement dit comporte trois articles :
« Article premier : La Phalange espagnole
et les requetes, avec leurs services et leurs éléments actuels, s’intègrent,
sous mon commandement, en une seule autorité politique de caractère national,
qui se nommera Falange española tradicionalista y de los J. O. N. S .
Cette organisation, intermédiaire entre la Société et l’État, a pour mission
principale de communiquer à l’État le sentiment du peuple et de donner à
celui-ci la pensée de l’État, à travers les vertus politico-morales de service,
de hiérarchie et de fraternité. Sont de droit affiliés à la nouvelle
organisation tous ceux qui, au jour de la publication de ce décret, possèdent
la carte de la Phalange ou de la Communion traditionaliste, et pourraient l’être
tous les Espagnols qui le sollicitent. »
Cet article donne en apparence satisfaction à la Phalange,
en introduisant l’idée d’une morale politique et surtout en maintenant pour
désigner le nouveau parti l’essentiel de la dénomination phalangiste. Franco
avait d’ailleurs laissé entendre, avant le 19 avril, que la Phalange
« serait le fondement du Parti unique ». Mais les deux articles
suivants montrent le véritable sens du décret, qui est destiné à museler toute
opposition et à détruire toute possibilité d’action militaire ou de simple coup
de force de la part des mécontents :
« Article Il : Seront organes directeurs du
nouvel ensemble politico-national le chef de l’État, un secrétariat ou une
Junte politique et le Conseil national. Le secrétariat ou Junte correspond à l’établissement
de la constitution interne de l’ensemble, pour la réussite de son but
principal : aider son chef dans la préparation de la structure organique
et fonctionnelle de l’État, et, collaborer, en tout cas, à l’action du
gouvernement. La moitié de ses membres sera désignée par le chef de l’État, et
l’autre moitié élue par le Conseil national. Le Conseil national connaîtra des
grands problèmes nationaux que le chef, de l’État lui soumet dans les termes
qui seront établis d’après des dispositions ultérieures. »
« Article III : Sont fondues en une seule
Milice nationale celles de la Phalange et des requetes, conservant leurs
emblèmes et leurs signes extérieurs ; la Milice nationale est l’auxiliaire
de l’armée. Le chef de l’État est le chef suprême de la Milice, le chef direct
sera un général de l’armée… »
Si le général Franco laisse ainsi subsister les signes et
les symboles, il a soin de les vider de leur sens réel. Conciliateur et
diplomate, il est toujours prêt à des concessions de façade. Ainsi, pour mieux
se concilier des requetes, il fera mettre dans les nouvelles armes de l’Espagne
l’ancien insigne de Navarre ; il fait aussi garder l’entrée de son
quartier-général par des requetes. En fait, les deux derniers articles
du décret du 19 avril sont un pas décisif dans la voie de l’établissement d’un
nouveau régime. Le second consacre l’autorité politique du Caudillo, qui prépare,
et par conséquent peut toujours modifier la structure de l’État ; il nomme
la majorité des dirigeants du Parti unique. Tous les membres du premier Conseil
national seront désignés directement par lui. L’article III achève de lui
donner une autorité militaire totale en faisant de lui le chef unique de la
Milice nationale, que l’on s’est bien gardé de confondre avec l’armée régulière
et qui lui est soumise. Le nouveau parti ainsi constitué doit donc être l’instrument
de gouvernement dont se
Weitere Kostenlose Bücher