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La rose de Raby

La rose de Raby

Titel: La rose de Raby Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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poignées sur les flancs du cercueil. Il était en train de le faire lorsque Kathryn s'aperçut que les frères chuchotaient entre eux. Elle se leva pour s'approcher. Tout d'abord, elle crut s'être trompée, puis elle sentit l'odeur suave, délicieuse, semblable à celle de roses écrasées, en plus lourd, plus entêtant, comme le parfum d'une dame de haute naissance.
    —
    Est-ce de la myrrhe? De l'encens? murmura-t-elle.
    —
    Je sens cette odeur, moi aussi! s'exclama Venables.
    Colum, dont la curiosité était piquée, s'approcha à son tour. Kathryn promena un rapide regard autour d'elle.
    Spineri bondit sur ses pieds, ses mains grassouillettes croisées comme s'il priait.
    —
    Que se passe-t-il?
    —
    Je sens un parfum très fort, répliqua sèchement Kathryn, j'en cherche la source.
    —
    C'est impossible, voyons ! s'exclama Simon l'infirmier. Il n'y a pas de fleurs dans la chapelle de la
    Vierge, pas de corbeilles non plus. Je vous le dis, cette odeur vient de la tombe elle-même.
    Kathryn dut en convenir et recula. Lentement mais sûrement, dans les grincements et raclements, on remonta le cercueil et on posa des planches en travers du couvercle. Fait dans un très beau bois, il était couvert de terre et de poussière, ses poignées incrustées d'argent ternies et sales. Cependant, la fragrance était encore plus forte, comme si on avait fracassé sur le sol un flacon de la précieuse essence. Les frères convers soulevèrent la bière pour la placer sur la table à tréteaux apportée à cet effet ; leur tâche achevée, on leur ordonna de se retirer.
    Kathryn et Spineri furent invités à examiner le cercueil. Spineri se contenta d'en faire le tour. Kathryn, elle, prit le canif dans sa sacoche d'écriture et inspecta avec soin le panneau de couvercle. L'odeur délicieuse était maintenant entêtante. La jeune femme tapota le bois, mais les attaches tenaient bien, et il était clair qu'on n'y avait pas touché. À la demande de Kathryn, Colum et Venables enfilèrent leurs gants pour les dévisser. Dehors le soleil déclinait et le transept se faisait plus sombre, plus sinistre. On apporta des bougies.
    — Nous avons fini, lança Colum en reculant.
    Il semblait plutôt mal à l'aise, pas très rassuré. Un vrai Irlandais, songea Kathryn en lui adressant un clin d'œil : Colum était un homme du monde des vivants, avec un sérieux respect pour tout ce qu'il pouvait y avoir derrière le voile.
    On ouvrit la bière. Kathryn s'attendait à une odeur fétide : exhalaisons méphitiques, humeurs putrides comme en dégagent tous les cadavres, mais elle ne sentit rien d'autre qu'un parfum pénétrant. Des draps de toile dissimulaient le corps, et en les retirant, Kathryn remarqua qu'ils étaient recouverts d'une fine poussière rouge, tout comme les coussins de satin blanc garnissant les parois du cercueil. Enfin le cadavre du bienheureux Roger apparut, dans un concert d'exclamations étouffées.
    Kathryn aussi était étonnée. Atworth avait été enterré dans la tenue des frères du Sac : robe brune, cordelière blanche et sandales de cuir ouvertes.
    Voilà des jours qu'il était décédé, mais si ses joues ridées étaient un peu creusées, et malgré l'ombre de barbe autour de la bouche et sur le menton, on aurait dit que sa mort remontait à quelques heures seulement. Son corps avait l'aspect pâle et cireux de certaines effigies que Kathryn avait vues dans des processions funéraires. Le moine défunt avait les mains croisées, entre lesquelles on avait placé un crucifix qui avait un peu glissé de côté. La jeune femme regarda attentivement l'intérieur du cercueil. Sans tenir compte des pieuses exclamations, elle se concentra sur cet homme dont on voulait faire un saint. Atworth avait le visage dur d'un faucon de chasse : menton volontaire, lèvres maintenant exsangues, nez busqué et yeux profondément enfoncés. Sa peau ridée était celle d'un vieillard, et de maigres mèches entouraient ce qui se voulait une tonsure ; mais Kathryn pouvait imaginer cet homme aussi bien en soldat casqué, au regard étincelant, qu'en saint agenouillé devant l'autel, fixant dans une transe mystique un crucifix ou une statue. Elle palpa la peau de son visage, de ses mains et de son cou, et lui trouva la douceur froide de la cire. Elle huma le parfum, mais ce fut l'odeur douce-amère de la peau qui piqua sa curiosité. Était-ce l'effet de la décomposition? Kathryn tâta les bras et les jambes qu'elle trouva

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