La rose de Raby
poison, écrivit-elle, mais quelle décoction? Comment la distribuer sans courir de risque? »
Soupirant, Kathryn tira un trait et commença sa seconde colonne : « La mort de Padraig Mafiach. »
Elle prit une profonde inspiration. Colum le cachait bien, mais il se faisait du souci. On lui avait ordonné de rencontrer Mafiach, et l'agent avait été assassiné. Comment? Kathryn s'immobilisa, sa plume en l'air. Qu'écrire sur ce meurtre épouvantable? Comment l'assassin avait-il pu tuer un homme comme Mafiach et s'enfuir si facilement? La jeune femme écrivit la question suivante : « Quelle est la signification du message chiffré? » Et il y avait autre chose. Qu'avait- elle vu ou entendu dans cette chambre? Était-ce une remarque, un commentaire de l'aubergiste? Exaspérée, Kathryn posa brutalement sa plume et alla s'agenouiller sur le prie-Dieu. — ô Seigneur, chuchota-t-elle, quelle confusion ! Et elle n'en était pas encore arrivée à frère Roger ! Atworth s'était empoisonné lui-même, Kathryn en était convaincue, mais les autres phénomènes ? Et Gervase ? Pourquoi l'avait-on assassiné avec tant de barbarie? Et pourquoi Jonquil espionnait-il Atworth? Le faisait-il pour le compte de la duchesse ou pour celui de quelqu'un d'autre?
La jeune femme se leva pour faire les cent pas dans la pièce. C'est seulement alors qu'elle avisa le morceau de parchemin glissé sous la porte. Il était déchiré et assez sale. Elle tressaillit en le ramassant et déchiffra le message écrit d'une main malhabile : « Rejoiniez-moi tout de suite sur la tombe du bienheureux Roger. » Elle remarqua aussitôt les fautes d'orthographe. Quant à l'écriture, elle pouvait appartenir à n'importe qui. Dessous, il y avait une citation du livre des Morts : « Et la tombe révélera ses secrets. »
Kathryn chaussa ses bottes à la hâte et saisit sa cape. Elle allait tirer les verrous quand elle vit que la poignée ronde de la porte avait bougé. On l'avait tournée. La jeune femme débloqua le premier verrou et se penchait pour faire de même avec le second quand elle perçut un bruit à peine audible. Elle recula, glacée de terreur. — Femme stupide, chuchota-t-elle. Elle regarda le message. Celui qui l'avait glissé sous sa porte se trouvait toujours là. Kathryn revit par la pensée l'escalier rempli d'ombre sur lequel donnait sa chambre.
L'hostellerie était presque vide. N'importe qui avait pu écrire ce message, ou le faire écrire.
La jeune femme s'approcha de ses paniers; ses doigts tremblaient lorsqu'elle en défit les fermetures, et une sueur froide inondait sa nuque. Elle sortit la dague — cadeau de Colum — qu'elle tira de son fourreau de velours, et fixa la porte. Rapidement, elle gagna la fenêtre. La petite ouverture garnie de treillis était bien fermée. Elle poussa le contrevent, abaissa la barre, et se retourna, face à la porte.
Elle ne risquait rien tant qu'elle ne l'ouvrait pas pour se lancer dans l'obscurité, songea-t-elle. Ah, si elle pouvait crier. D'un côté, elle était terrifiée par ce qui l'attendait, mais de l'autre elle réalisait que la solution de certains des mystères attachés à ce couvent se trouvait peut-être derrière un simple panneau de bois.
Qui l'attendait dans le couloir? Jonquil? Un tueur à gages? Kathryn prit une profonde inspiration. La dague glissait dans sa paume moite. La jeune femme approcha de la porte et appuya son oreille contre le bois. Retenant son souffle, elle tenta de percevoir le moindre bruit, s'efforçant de maîtriser sa panique et son imagination. Elle entendit de nouveau ce mouvement à peine audible, un grincement auquel à tout autre moment elle n'aurait pas prêté attention. Elle recula. Ce jeu du chat et de la souris pouvait durer des heures, sauf si un frère venait s'assurer que tout allait bien. Et même dans ce cas, en qui Kathryn pouvait-elle avoir confiance ?
Elle demeura rivée au sol, fixant la porte, et sursauta quand on frappa un rude coup.
—
Qui est-ce? lança-t-elle.
Pas de réponse.
—
Qui est-ce ? répéta-t-elle.
—
Ouvrez, je vous en prie, Maîtresse, j'apporte des messages.
La voix était déguisée. L'épaisseur de la porte, la cage d'escalier caverneuse...
la voix avait une pointe d'accent Si seulement.. Kathryn serra son poignard tout en maudissant sa propre impétuosité. Elle aurait pu demander que Colum s'installe dans une chambre séparée, exiger que d'une façon ou d'une autre on la protège. Elle était
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