La Vallée des chevaux
lampe et couvrit le feu.
Elle n’avait aucune envie de se rendormir et se dirigea vers
l’entrée de la caverne. Elle allait sortir quand elle entendit Whinney hennir
doucement. Rebroussant chemin, elle rejoignit la jument, tout heureuse de voir
que Whinney était couchée dans son coin habituel. Au début, l’odeur inconnue de
l’homme à l’intérieur de la caverne l’avait rendue nerveuse. Mais si elle
s’était couchée, c’est qu’elle avait fini par accepter sa présence. Ayla
s’assit en face d’elle, à la hauteur de son poitrail, et en profita pour la
gratter autour des oreilles. Le poulain, allongé contre les mamelles de sa
mère, renifla avec curiosité en direction de la nouvelle venue. Ayla le
caressa, puis elle tendit ses doigts. Le poulain les suça un court instant,
puis voyant qu’il n’y avait rien à téter, il les lâcha.
Quel bébé magnifique, Whinney ! s’émerveilla Ayla, en
s’adressant par la pensée à la jument. Quand il aura grandi, il sera comme toi,
fort et vigoureux. Tu as quelqu’un avec toi, maintenant. Et moi non plus, je ne
suis plus seule. J’ai encore du mal à le croire, ajouta-t-elle, incapable de
retenir ses larmes. Tant et tant de lunes ont passé depuis que j’ai été maudite
et que j’ai dû vivre seule. Et maintenant, il y a quelqu’un avec moi. Un homme,
Whinney. Un homme qui fait partie des Autres. Et je pense qu’il va vivre,
continua-t-elle en essuyant ses larmes avec le dos de sa main. Ses yeux sont
comme les miens : ils pleurent lorsqu’il est triste. Il m’a souri et je
lui ai souri à mon tour.
Moi aussi, je fais partie des Autres, ainsi que Creb me l’avait
dit. Quant à Iza, elle m’avait dit qu’il fallait que je retrouve mon peuple et
mon compagnon. Whinney ! Crois-tu que cet homme est le compagnon que je
devais chercher ? Est-ce mon totem qui l’a amené ?
C’est Bébé qui me l’a amené ! Il a été choisi, exactement
comme moi ! Il a été mis à l’épreuve et marqué par Bébé, par le lionceau
des cavernes que m’avait fait découvrir mon totem. Maintenant, le Lion des
Cavernes est aussi son totem. Avec un totem aussi puissant et semblable au
mien, il pourra être mon compagnon. Je pourrai même avoir plusieurs bébés.
Mais les bébés ne viennent pas uniquement des totems, corrigea
Ayla en fronçant les sourcils. Je sais bien que Durc a été mis en train le jour
où Broud m’a forcée. Ce sont les hommes qui font les bébés, pas les totems. Et
Gon-da-lah est un homme...
Soudain, Ayla repensa à l’organe de l’homme, durci par son
besoin d’uriner, et à ses yeux bleus, si troublants. Une sensation étrange
l’envahit. Pourquoi éprouvait-elle ce sentiment ? Cela avait commencé le
jour où elle avait vu Whinney et l’étalon à la robe brun-rouge.
Cet étalon avait une robe brun-rouge ! se dit-elle. Et le
poulain de Whinney a la même. L’étalon a mis en train son bébé. Gon-da-lah
pourrait faire la même chose. Il pourrait être mon compagnon...
Mais voudra-t-il de moi ? Iza m’a dit que les hommes
faisaient cela quand ils aimaient une femme. La plupart des hommes... Mais pas
Broud. Broud ne m’aimait pas. Peut-être que cela ne me déplairait pas si
Gon-da-lah...
Brusquement, Ayla devint toute rouge. Je suis si grande et si
laide se dit-elle. Pourquoi aurait-il envie de me faire ça ? Pour quelle
raison voudrait-il de moi comme compagne ? Il en a peut-être déjà une. Et
que vais-je faire s’il décide de partir ?
Il ne faut pas qu’il parte. J’ai besoin qu’il m’apprenne à dire
des mots. Si je comprends ce qu’il dit, peut-être acceptera-t-il de rester,
bien que je sois grande et laide. Il faut absolument qu’il reste. J’ai été
seule trop longtemps.
Prise de panique à cette idée, Ayla bondit sur ses pieds et
sortit de la caverne. Le jour n’allait pas tarder à se lever et le noir du ciel
était en train de se transformer en un bleu sombre et velouté. Les arbres et
les repères familiers commençaient à avoir des contours bien définis. Plutôt
que de rentrer dans la caverne pour voir l’homme, comme elle en mourait
d’envie, Ayla se dit qu’elle ferait mieux de lui apporter quelque chose de
frais pour son déjeuner.
Peut-être cela ne lui plaira-t-il pas que je chasse,
songea-t-elle au moment d’aller chercher sa fronde. Elle avait décidé que
personne ne lui interdirait de chasser. Malgré tout, au lieu de rentrer dans la
caverne pour y prendre son
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