La Vallée des chevaux
liberté
d’expression. Elle avait l’impression de buter sur un obstacle indéfinissable
et chaque fois qu’elle pensait être sur le point de le franchir, l’obstacle se
dérobait. Son intuition lui soufflait qu’elle aurait dû savoir parler – mais
cette connaissance était enfermée à double tour à l’intérieur d’elle-même et
elle ne possédait pas la clef.
— Excuse-moi, Ayla. Je n’aurais pas dû te crier après. Mais
Thonolan était mon frère...
Ce dernier mot ressemblait à un cri.
— Frère. Toi et l’autre homme... avoir la même mère ?
— Oui, répondit Jondalar.
Ayla hocha la tête et se retourna vers Whinney. Elle aurait aimé
pouvoir dire à Jondalar qu’elle comprenait les liens qui unissaient deux hommes
nés de la même mère : Brun et Creb étaient frères.
Quand elle eut attaché les paniers sur les flancs de la jument,
elle alla chercher ses épieux à l’intérieur de la caverne et se mit à les fixer
solidement. Jondalar, qui la regardait faire ses derniers préparatifs,
commençait à se dire que la jument était un peu plus qu’une compagne pour la
jeune femme. Cet animal présentait aussi un avantage inestimable. Il se rendait
compte pour la première fois à quel point Whinney pouvait lui être utile. Mais
à nouveau il était frappé par l’aspect contradictoire de ce qu’il avait sous
les yeux : Ayla utilisait un cheval pour chasser et transporter la viande – un
progrès dont il n’avait jamais encore entendu parler – et, à côté de
ça, elle se servait d’armes plus primitives que tout ce qui lui avait été donné
de voir jusqu’ici.
Pour avoir chassé avec toutes sortes de peuples, Jondalar savait
que les armes variaient légèrement d’un groupe à l’autre, mais celles d’Ayla
étaient radicalement différentes de tout ce qu’il connaissait. Encore qu’il
avait la curieuse impression de les avoir déjà vues quelque part. L’extrémité
était pointue et durcie au feu, la hampe droite et parfaitement lisse, mais
elles semblaient vraiment grossières. Il était hors de question de s’en servir
comme armes de jet et elles étaient encore plus grandes que celles utilisées
pour chasser le rhinocéros. Comment arrivait-elle à chasser avec une arme
pareille ? Comment s’y prenait-elle pour s’approcher suffisamment de
l’animal pour pouvoir s’en servir ? Il faillit lui poser la question, mais
y renonça de crainte de la retarder. Même si elle avait fait des progrès, elle
avait des difficultés à s’exprimer et cela lui prendrait trop de temps.
Quand Ayla et Whinney furent prêtes, Jondalar emmena le poulain
à l’intérieur de la caverne. Il caressa le jeune animal et lui parla jusqu’à
qu’il fût certain que sa mère se trouvait assez loin pour qu’il ne pût pas la
rejoindre. Cela lui faisait tout drôle de se retrouver seul dans la caverne.
Poussé par la curiosité, il alluma une lampe et, la tenant à la main, il fit le
tour des lieux. Les dimensions ne le surprirent pas : sa taille
correspondait à peu près à ce qu’il imaginait. Elle ne possédait pas de
passages latéraux, mais il découvrit la niche creusée dans une des parois. A
l’intérieur de la niche, une surprise l’attendait : tout indiquait qu’elle
avait été occupée récemment par un lion des cavernes et on pouvait encore y
voir l’empreinte d’une patte, d’une patte de belle taille !
L’examen du reste de la caverne le convainquit qu’Ayla
l’habitait depuis plusieurs années. Peut-être s’était-il trompé en pensant que
l’empreinte du lion était récente. Il retourna alors vers la niche pour s’en
assurer. Après l’avoir examinée avec soin, il se dit qu’aucun doute n’était
possible : un lion avait séjourné un certain temps à l’intérieur de cette
niche au cours de l’année précédente.
Un mystère de plus ! Connaîtrait-il un jour la réponse à
toutes les questions qu’il se posait ?
Quitte à rester ici, autant que je me rende utile, se dit-il. Il
décida d’aller ramasser des pierres à feu sur la plage et fouilla dans la
réserve d’Ayla pour y choisir un panier qui n’avait pas encore été utilisé.
Précédé par le poulain qui bondissait devant lui, il s’engagea sur le sentier
escarpé qui menait à la rivière en s’aidant de son bâton. En arrivant près du
tas d’ossements, il posa le bâton contre la paroi et continua à avancer. Le
jour où il pourrait marcher sans son
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