La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
démontrent, à coup de calembours
érudits, que le Bouddha, Lao-tseu et Confucius
étaient des femmes 8 ».
Un auteur de la fin du XIII e siècle décrit ainsi
les spectacles curieux auxquels il a assisté dans
son enfance à Hangzhou. Voici le montreur de
poissons savants : il a devant lui un grand bocal
en laque où nagent des tortues, des barbots et
divers autres poissons. Il bat la mesure sur un
petit gong en cuivre et appelle l’une des bêtes
par son nom. Aussitôt, elle vient danser à la surface, portant sur sa tête une sorte de petit chapeau. Son numéro fini, elle replonge, et l’homme
en appelle une autre. Il y a aussi le tireur à l’arc
qui dispose devant les spectateurs une grande
roue d’un mètre cinquante de diamètre où sont
représentées toutes sortes d’objets, de fleurs,
d’oiseaux et de personnages. Il déclare qu’il touchera tels et tels dessins de la cible et, l’ayant
animée d’un mouvement rapide, il se fait passer
les flèches par les spectateurs. Les points touchés correspondent exactement à son annonce. Il
peut même atteindre des parties très précises de
cette cible tournante et, par exemple, telle plume
de telle aile d’oiseau. Mais, apparemment, ajoute
notre auteur, il n’a pu transmettre son art à personne. Autre amuseur public, le montreur de serpents qui s’installe devant le Temple suprême et
auquel il ne reste que quatre doigts. Il saisit dans
ses mains les serpents les plus étranges et les
plus venimeux comme s’il s’agissait de simples
anguilles. Si un serpent reste caché dans son
panier et fait la sourde oreille, son maître souffledans un petit roseau, et l’animal accourt aussitôt.
Ce curieux personnage élève chez lui plusieurs
dizaines d’espèces de serpents, dont de très gros
et de très dangereux, qu’il garde dans des
paniers de bambou. Il fait faire tout ce qu’il veut
à ses serpents et il est arrivé, grâce à l’exercice
de ce métier, à une certaine aisance. Le même
auteur mentionne encore un ermite taoïste qu’on
voit près des berges du fleuve portant une hotte
pleine de crustacés de divers genres et de toutes
couleurs, tous pétrifiés 9 .
C’est surtout au moment des fêtes, quand
toute la population de la ville s’égaie dans les
rues et passe son temps à boire, à flâner et à se
distraire de jour et de nuit, que les spectacles en
plein air sont les plus nombreux. Ainsi, lors des
sacrifices au palais sacré, lors des cérémonies à
l’autel de la banlieue sud, lors des amnisties
impériales qui sont proclamées à la porte de la
Rectitude Elégante, des représentations et des
jeux de toute sorte sont organisés dans la ville.
Des combats de boxe ont lieu entre les soldats
des armées de gauche et de droite de la garde
impériale au moment des fêtes anniversaires de
la naissance de l’empereur et des grands banquets de la cour. Les boxeurs sont choisis parmi
les plus forts des soldats, et leurs noms sont
portés sur un registre spécial. Ce sont eux que
l’on voit, lors des cérémonies à l’autel de la
banlieue sud et des autres grands sacrifices duculte officiel, précéder le char impérial et, au
nombre de cent vingt, coiffés de bonnets et laissant flotter dans leur dos leurs longs cheveux, le
visage encadré de favoris, faire la haie des deux
côtés du parcours officiel en se tenant par les
poignets. Quant aux boxeurs que l’on rencontre
dans les quartiers d’amusement et sur les esplanades attenantes, ce sont des sortes de nomades
qui s’exhibent dans toutes les villes. Venus de
toutes les préfectures de l’empire, ils se réunissent
en grand nombre au monastère Protection du
Royaume, au pic du Sud, lors des grands concours
de boxe et de lutte qui y ont lieu périodiquement. Le vainqueur reçoit en prix un fanion, une
tasse d’argent, des pièces de soie, une robe de
brocart et un cheval 10 .
La plupart des artistes et des amuseurs publics
qui exercent leurs talents dans les quartiers
d’amusement ou sur les places publiques se
retrouvent dans les hôtels particuliers des riches
familles et même à la cour où ils sont invités au
moment des fêtes et des banquets. Si ce ne sont
pas les mêmes personnages, ce sont du moins
leurs homologues, plus habiles peut-être, plus
savants et plus aptes à satisfaire un public raffiné
et plus exigeant que celui des marchés et des
quartiers d’amusement, où pourtant des personnes
de la haute société se mêlent souvent aux gens du
peuple,
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