La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
adoptent une attitude résolument paternaliste. Beaucoup d’entre eux se connaissent
plus ou moins intimement soit en tant qu’anciens supérieurs ou subordonnés, soit comme
anciens condisciples. Ceux qui ont été reçus la
même année aux concours de doctorat se trouventunis par des liens vivaces. De même, entre les
candidats reçus aux concours et leurs examinateurs se créent des rapports identiques à ceux qui
unissent maîtres et disciples, parents et enfants.
Un fonctionnaire en voyage est reçu par ses
pairs avec une amitié chaleureuse ou une politesse raffinée. Son arrivée, son séjour, son départ
sont l’occasion de banquets où se déploie la
verve littéraire de chacun.
2. Les fonctionnaires militaires
Le prestige des fonctionnaires civils éclipse
presque entièrement celui des fonctionnaires
militaires. Le peu de place qu’occupe l’armée
dans la société chinoise du XIII e siècle s’explique
sans doute à la fois par certaines tendances générales qui remontent à un lointain passé et par les
conditions historiques qui ont accentué, à l’époque
des Song, un antimilitarisme traditionnel dans
les cercles de lettrés. Il est clair que, dans ces
milieux, le mépris et la défiance à l’égard des
arts guerriers répondent à l’un de ces choix qui
caractérisent leur classe, qu’ils sont en rapport
avec une conception de l’action humaine qui
mettait l’accent sur les rites et la morale plutôt
que sur les formes d’intervention directe. Quant
aux causes historiques, elles sont relativement
récentes : les nécessités politiques et la faiblesse
du pouvoir central, dès le milieu du VIII e siècle,
avaient amené la dynastie des Tang à concéderun pouvoir de plus en plus étendu aux chefs
militaires des provinces.
Cette démission du pouvoir civil devait
entraîner une longue suite de désordres et de
guerres jusqu’à l’avènement de la dynastie des
Song, à la fin du X e siècle. Mis en garde par une
expérience aussi désastreuse, les empereurs
Song et les représentants de la classe lettrée restèrent constamment hostiles à toute politique
trop libérale à l’égard des pouvoirs militaires.
Même dans les villes assiégées, les généraux
étaient maintenus sous la dépendance des fonctionnaires civils du cadre local ou de commissaires impériaux délégués spécialement par la
cour. D’autre part, un facteur dut renforcer le
mépris des administrateurs civils pour une catégorie sociale où la culture des lettres était sacrifiée au développement des capacités physiques :
la plupart des fonctionnaires militaires sont issus
de familles moins illustres que les fonctionnaires
civils. Certains même sont d’origine populaire,
paysanne. Civils et militaires ne fraient pas
ensemble. Enfin, le peuple lui-même, au sein
duquel naissent souvent les vocations guerrières
et qui fournit leurs troupes aux armées, nourrit
une profonde aversion pour la gent militaire. Un
honnête homme, dit-on, ne se fait pas soldat, et
le fait est que les armées se recrutent surtout
parmi la lie de la population, depuis que, à partir de la fin du VIII e siècle, elles ne sont pluscomposées de conscrits, mais de mercenaires.
L’indiscipline règne, et les soldats, conscients du
mépris et de l’hostilité qui les entourent, abusent
de leur force ou de leur pouvoir 10 . Quand la
guerre est proche et le ravitaillement difficile,
c’est le pillage des campagnes. Les troupes
amies sont alors autant à craindre que les troupes
ennemies. Aux yeux des villageois, bandits et
soldats c’est tout un. « Ils détestent voir les soldats, dit Marco Polo, sans en excepter les gardes
du Grand Khan, et les rendent responsables de la
perte de leurs rois et de leurs gouverneurs 11 . »
Cependant, malgré un antimilitarisme très
général, l’importance des armées chinoises n’a
pas cessé de croître à l’époque des Song, et leur
armement s’est perfectionné de façon continue.
Les effectifs, qui étaient de 378 000 hommes en
960, s’élèvent à 900 000 vers l’an 1000, puis à
1 259 000 dès 1041. Les Song du Sud (1127-1279) constituèrent, parallèlement à leur armée
de terre, une marine affectée à la défense des
côtes et des villes du Yangzi. Elle comptait
11 escadres et 3 000 hommes en 1130, 15 escadres
et 21 000 hommes en 1174, 22 escadres et
52 000 hommes en 1237 12 . L’armée de terre était
composée de fantassins et de cavaliers
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