Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
toutefois, d’observer que si jeune
qu’elle fût, l’art ajoutait beaucoup à la nature. Car elle se coiffait d’une
façon fort originale pour le temps, et qui n’était pas sans me rappeler celle
de ma Gräfin, tous les cheveux bouffants haut et rejetés en arrière de
son beau front sans la moindre boucle, couronnés sur le sommet d’un simple
ruban et dégageant de petites oreilles blanches et roses comme des coquillages
qu’à la vérité il eût été dommage de ne pas montrer. Les sourcils étaient
épilés avec le plus grand soin jusqu’à ne plus former qu’une seule ligne noire
en arc de cercle, laquelle mettait fort en valeur l’œil azuréen, fendu en
amande, immense et lumineux. Elle était vêtue d’un corps de cotte et d’un
vertugadin bleu pâle taillé dans un satin fort riche, mais sobrement orné et
elle ne portait qu’un seul bijou, mais virginal : un collier de perles à
un seul rang, parure qu’on eût pu croire modeste, si l’orient et la grosseur
des perles ne vous avaient, au second coup d’œil, détrompé.
    Si modestes aussi, le maintien, les paupières baissées, les
petites mines, les confusions, les petites rougeurs, que vous eussiez cru que
même le beurre ne fondait pas dans la bouche de cette Sainte Nitouche, si de
temps en temps un éclair insolite n’avait traversé sa prunelle, lui donnant
tout soudain un éclat métallique.
    À peine se fut-elle assise sur le tabouret de la ruelle avec
une grâce pudique de pucelle pucelante qu’aussitôt elle fit au Roi un petit
compliment fort bien tourné et comme échappé à la spontanéité de son âge. Elle
lui dit que les vives inquiétudes que sa crise de goutte leur avait données, à
sa tante et à elle-même surtout (ce dernier mot étant articulé en baissant les
paupières et la voix), leur avaient inspiré le désir de le venir visiter ;
qu’elle était enfin rassurée de lui trouver la mine meilleure qu’elle ne s’y
serait attendue, et qu’elle faisait les vœux les plus ardents et adressait au
ciel les prières les plus vives pour son rétablissement.
    À vrai dire, il n’y avait rien à reprendre à ce discours,
qui était tout de convention et que la Duchesse d’Angoulême, si elle l’avait
ouï, n’aurait pu qu’approuver. Mais la façon dont il était débité, les regards,
les yeux baissés, les silences, les soupirs, les timides sourires, lui
donnaient un tout autre sens que son sens littéral. Et bien qu’à mon avis la
ficelle fût grosse et l’hameçon, visible, le Roi fut pris en un clin
d’œil – se peut parce qu’il ne désirait rien tant que de l’être, dupe
quasi volontaire des grimaces et des simagrées de la petite artificieuse.
    — M’amie, dit le Roi avec une émotion qui me fit peine
à voir, je vous remercie des sentiments que vous me montrez. J’y aurai égard.
Je vous aime, et vous veux aimer comme ma fille. Je suis heureux à la pensée
que lorsque vous aurez marié Bassompierre, et que celui-ci, en tant que premier
gentilhomme de la Chambre, vivra au Louvre, vous y vivrez aussi et je pourrai
vous voir tous les jours. Vous serez la consolation et l’entretien de la
vieillesse où je vais désormais entrer.
    C’était là le langage chattemite de L’Astrée. Il n’y
était question que d’amitié et d’affection, voire même de consolation : terme dévot, bien étonnant dans la bouche d’Henri !
    — Ah ! Sire ! dit Charlotte ouvrant tout
grands ses yeux ingénus et les fixant sur le Roi, vous ne serez jamais
vieux ! Il y a une si grande force en vous !
    Elle n’aurait su mieux dire, ni avec plus d’audace,
laquelle, bien qu’elle fût cachée sous une apparente innocence, encouragea le
Roi à aller davantage de l’avant dans le siège qu’il venait d’entreprendre.
    — M’amie, dit-il, n’est-ce pas votre père qui a choisi
Bassompierre pour gendre ?
    — Oui, Sire, dit-elle avec un léger soupir, les
paupières baissées.
    — M’amie, poursuivit-il après un silence, dites-moi
franchement si ce parti vous agrée. Sans cela, je saurais rompre ce mariage et
vous marier avec mon neveu, Monsieur le Prince de Condé.
    J’hésitai à en croire mes oreilles : le Roi reprenait
tout soudain à son compte un projet qu’il avait si rudement combattu, quand le
Duc de Bouillon avait osé le suggérer. Cela voulait-il dire que Condé, étant
peu fait pour aimer les dames et moins encore pour leur plaire, lui paraissait
un rival moins dangereux

Weitere Kostenlose Bücher