L'affaire du pourpoint
à moi seule destinés : « Je dois vous parler. »
J’adressai aux Mason un sourire rassurant.
— Je vous en prie, retournez vous coucher. Je suis confuse que votre sommeil ait été ainsi troublé. Je vais rester auprès d’elle. Reprenez un peu de vin, Dale.
Ils se retirèrent, néanmoins Ann assura qu’elle resterait debout et reviendrait si nécessaire. Il suffisait d’envoyer un garçon d’écurie la chercher. Aussitôt que la porte se referma, Dale murmura d’un ton urgent :
— C’était la tisane, madame ! Votre tisane, que vous m’avez laissée.
— Quoi ?
— La voilà, dit-elle en montrant du doigt mon verre à bec, sur une étagère près du lit. Vous avez eu la bonté de me la donner et je ne voulais pas refuser, bien que je n’aime guère ces breuvages. Je l’ai apportée ici, mais je n’en ai pas bu tout de suite. Seulement, je n’arrivais pas à dormir sans Roger, alors j’ai pensé que j’allais essayer et que cela me détendrait peut-être. Mais j’ai détesté la première gorgée, aussi n’ai-je pas insisté. Et alors j’ai commencé à me sentir mal, tellement mal ! Je ne pouvais plus respirer ! Comme j’ai eu peur !
— Mon Dieu ! murmurai-je.
Par bonheur, la respiration de Dale était redevenue presque normale et son visage reprenait un peu de couleurs.
— Je crois que ça va aller, maintenant, finit-elle par me dire. Merci, madame, de vous être donné tant de peine pour moi.
— Ann Mason est arrivée la première. C’est elle qu’il convient de remercier, de notre part à toutes deux. S’il vous était arrivé malheur…
C’en était trop. J’avais misé sur le fait que je serais en sûreté à Lockhill, et je m’étais trompée du tout au tout. Je cachai mon visage dans mes mains. Dale me prit dans ses bras et me réconforta comme si c’était moi la malade. La manche de mon peignoir glissa et elle vit la marque de doigts sur mon bras.
— Madame, regardez ça ! Était-ce… Est-ce que Mr. Matthew…
— Il est venu me rejoindre. Ne m’en demandez pas plus, Dale. J’ignore ce qui va arriver maintenant.
Je pleurai longtemps sur son épaule ; elle aussi avait les larmes aux yeux, de remords, apparemment.
— J’aurais dû le savoir. Il n’y a jamais eu que Mr. Matthew pour vous. Et moi qui me suis fait toutes ces idées ! Ce Redman a une langue de vipère. Je regrette. Comme je regrette !
— Quelles idées ? demandai-je, me redressant et essuyant mes yeux d’un revers de main – et soudain, je compris. Oh, non ! A-t-il lancé de méchantes remarques au sujet de Brockley et de moi ?
— Oui, admit Dale avec tristesse.
— Je vous avais avertie qu’il pourrait y avoir des commérages. Ne vous ai-je pas raconté qu’il nous a vus sortir de la galerie, la première fois où j’ai essayé d’entrer dans le bureau, et qu’il s’est imaginé de vilaines choses ? Est-ce à cause de cela que vous vous êtes querellés, Brockley et vous ?
— Comment savez-vous que nous nous sommes querellés ?
— Ça se voyait comme le nez au milieu de la figure !
— Redman n’est pas le seul à parler, madame, dit-elle d’un ton pitoyable.
— Tant pis. Ce ne sont que des mensonges.
— Mais ils s’insinuent dans l’esprit comme un poison. Comme celui-ci ! dit-elle en désignant la tisane. Nous nous sommes réconciliés avant son départ, hier soir. C’est déjà ça. Mais si seulement il revenait ! Il me manque !
Je ne connaissais que trop bien ce sentiment. Je l’avais éprouvé alors que Gerald gisait sur son lit, couvert d’abcès, des pièces de monnaie sur ses paupières enflées. Et maintenant, je le ressentais en permanence pour Matthew. Je passai mon bras autour d’elle.
— Il viendra bientôt, à coup sûr. L’aube approche. Je vais attendre avec vous. Écoutez, Dale, je voudrais savoir, au sujet de cette tisane. Jennet a dit qu’elle l’avait fait préparer. Le verre est-il resté posé dans un passage ? Quelqu’un aurait-il pu y toucher ? Savait-on que c’était pour moi ?
— Je l’ai trouvé sur une des tables de la longue salle, madame. Enfin, une de ces commodes qui leur servent de tables. Tous les mets et les boissons y étaient disposés, hier soir. J’ai reconnu votre verre. Jennet l’a mis là-bas parce que la cuisine était sens dessus dessous. On aurait pu jeter la tisane par mégarde en nettoyant. Elle a dû rester là-bas un bon moment, car le verre était
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