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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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métamorphose de l’être.
    Écoutons encore les troubadours : « En un verger, sous
le feuillage d’une aubépine, la dame a gardé son ami près d’elle, jusqu’à ce
que le veilleur ait crié qu’il a vu poindre l’aube » ( Aube anonyme). « Que Dieu […] me donne le
pouvoir de voir cet amour lointain, vraiment, de mes yeux, si bien que la
chambre et le jardin m’apparaissent comme un palais éternel » (Jaufré
Rudel). « Je veux me faire ermite dans un bois, pourvu que ma dame y
vienne avec moi. Là nous aurons couverture de feuillage… » (Bernard Marti).
« J’aurai ma joie en verger ou en chambre […] Et si voisin que l’est le
doigt de l’ongle, je voudrais être, à son gré de sa chambre » (Arnaud
Daniel). La chambre et le verger sont des lieux clos, à l’écart du monde
ordinaire. Et l’amour courtois n’est pas ordinaire.
    « Le troubadour projette dans un ciel poétique les
aspirations charnelles que le mariage n’assouvit pas, les besoins de l’âme en
quête d’un au-delà des passions. Il les habille de la pourpre des plus belles
strophes, il en célèbre le culte. Il est véritablement officiant d’amour […] On
entre en poésie, c’est-à-dire dans le monde idéal de l’amour, comme dans la
cathédrale, en observant le rite, ici le rite des strophes et des thèmes
obligatoires, de la langue vulgaire sacralisée par l’usage élevé qui en est
fait [102] . » Et la marginalité
qui aurait pu séparer définitivement l’amour courtois de son époque l’intègre
finalement dans une remarquable recherche d’équilibre psychologique et social, cela
par le biais du rituel. Mais ce rituel est sulfureux. « S’il n’a pas existé
dans le Moyen Âge occitan d’ hérésie d’amour , il
est du moins assuré que le trobar avait le
hiératisme d’un culte scandaleux. L’adultère y était senti comme la condition
première de la moralisation de l’amour. Un adultère qui n’a rien à voir avec l’amour
du mariage, puisqu’il n’abolit en rien ce mariage [103] . »
    Il y a en effet un rituel, ce qui est logique, le
chevalier-amant étant le prêtre d’une religion entièrement cristallisée autour
de la dame, incarnation de la déesse des commencements. Le troubadour, comme
Tristan et comme Lancelot, « a dès le principe reconnu dans l’exigence du
parfait amour sa vérité. Il n’a donc pas à formuler son désir ni à en interroger
le sens ; il force moins un savoir qu’il n’en pratique, à ses dépens, comme
les mystiques, l’exercice. Sa quête n’émet nulle demande, elle accomplit le
geste d’une offrande sacrificielle : il se livre en holocauste à son Dieu,
à l’Unique, à sa Dame, non pour s’identifier lui-même, mais pour en éprouver le
vouloir de l’Autre [104] . » On ne serait
guère étonné d’entendre Lancelot prononcer les paroles d’un pater hérétique : « Notre Mère qui es aux
Cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit
faite sur la terre comme au Ciel… » Mais l’inversion de la polarité
masculine/ féminine est ressentie comme un outrage, même s’il s’agit d’une
recherche de la pureté absolue reconnue dans la femme primitive. « Ce
phénomène de catharsis, générateur d’enthousiasmes esthétiques, se trouvait
doublement menacé. Par l’Église d’abord qui devait trouver son heure avec la
croisade albigeoise et l’Inquisition, et, absorber dans le culte de la Vierge l’exaltation
féministe. Par les ruptures de la tension intérieure d’autre part : le
poète est toujours en danger de ne pas se maintenir au niveau de l’amour vrai. D’où
un redoublement du formulaire : le rite assure la foi dans l’habitude
lorsque l’âme est distraite [105] . » Mais attention,
ce rite, bien que très souvent parallèle à la liturgie chrétienne, porte quand
même la marque du péché, et l’atmosphère féerique qui l’entoure ne fait qu’accroître
cet aspect infernal : « Adultère et Féerie ont partie liée : l’aventure
réserve au héros de la quête la seule femme que lui défend la Loi [106] . »
    Car tout est affaire de transgression d’interdit, et c’est
pour cette raison que le couple courtois est un couple
infernal . Sans l’interdit, il ne peut y avoir de transcendance. Donc il
est nécessaire que la dame soit inaccessible, dangereuse et surtout mariée, ce
qui accroît considérablement l’attrait qu’elle exerce par sa beauté et

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