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L'Amour Courtois

L'Amour Courtois

Titel: L'Amour Courtois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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psychologues modernes ne sont pas loin de dire la même chose, même
si notre époque se défend de la jalousie en privilégiant des pratiques de
sexualité collective ou en affichant un grand libéralisme dans les mœurs.
    Ce principe fondamental de la jalousie est étayé par une
autre règle, la troisième : «  Personne ne
peut avoir deux liaisons à la fois.  » C’est le principe d’exclusivité.
Il est renforcé par la douzième règle : «  L’amant
véritable ne désire d’autres baisers que ceux de son amante . » Il n’y
a ici aucune discussion possible, à condition bien entendu que l’on ne
considère pas le mariage comme une liaison : en aucun cas le mari et la
femme qui satisfont seulement à une obligation, et non à un sentiment libre, ne
peuvent être considérés comme des amants. Le mariage n’est pas une liaison, et
il ne peut devenir identique à une liaison que si les époux renoncent à l’obligation
pour suivre sincèrement entre eux ce que leur dictent leurs sentiments : dans
ces conditions, au regard de la société courtoise, ils ne sont plus considérés
comme époux, mais comme amants. Autrement, comme le dit la comtesse Marie de
Champagne dans un jugement demeuré célèbre, « l’amour ne peut étendre ses
droits entre époux. Les amants en effet s’accordent mutuellement tout et
gratuitement, sans y être forcés par aucune obligation. Les époux au contraire
sont tenus par devoir de subir réciproquement leurs volontés et de ne jamais
rien se refuser l’un à l’autre. En outre, si les époux s’octroient des caresses
à la manière des amants, aucun des deux n’en saurait valoir davantage, et ils ne paraissent rien posséder de plus que ce qu’ils possédaient
de droit auparavant ». On mesure ainsi toute la défiance des théories de l’amour
courtois envers le mariage.
    Il n’en reste pas moins vrai que le véritable amour ne peut
exister qu’à l’intérieur du couple, que ce soit, dans certaines conditions à l’intérieur
du couple conjugal, que ce soit dans le couple exemplaire mais quelque peu
infernal que suppose la relation entre chevalier-amant et dame-maîtresse. Toute
tierce personne est exclue d’avance, le mari ou l’épouse légitime étant
délibérément hors-jeu. Et la littérature courtoise est très sévère pour les « faux
amants », pour les trompeurs qui abusent ceux qui les aiment : il y a
là crime sacrilège contre le dieu d’Amour lui-même.
    Le plus bel exemple de fiction romanesque sur ce sujet est l’épisode
du Val sans Retour contenu dans le grand récit en prose du XIII e  siècle concernant les légendes arthuriennes. Le
« Val sans Retour », ou « Val Périlleux », ou « Val
des Fau Amants », est une vallée de la forêt de Brocéliande [31] qui fut enchantée par la fée Morgane, sœur du roi Arthur et disciple de l’enchanteur
Merlin. Morgane, qui avait été trahie par son amant Guyomard, avait décidé de
se venger à sa façon de tous ceux qui avaient commis des infidélités envers
leur maîtresse : le sortilège était ainsi fait que tout chevalier infidèle
qui pénétrait dans ce val n’en pouvait plus sortir, prisonnier qu’il était de
ses illusions, de ses fantasmes, croyant voir les flancs du val garnis de
murailles infranchissables, de flammes, de monstres, et menant, près d’un étang
appelé le Miroir aux Fées, une existence en demi-teinte, peuplée de rêves plus
louches les uns que les autres. Morgane avait dit que le sortilège ne serait
levé que le jour où pénétrerait dans le Val un chevalier qui n’avait commis
aucune forfaiture envers sa dame. Mais ce chevalier tardait à venir et le Val
se remplissait de tous les chevaliers d’Arthur, Gauvain lui-même en tête des
plus illustres. Bien sûr, ce fut Lancelot du Lac qui brava l’interdit et qui
délivra ses compagnons prisonniers. Mais il n’était pas seulement le meilleur
chevalier du monde, il était le seul qui fût fidèle à sa dame, autrement dit la
reine Guenièvre, épouse du roi Arthur. Nous avons là l’exemple le plus
caractéristique de la fidélité courtoise : la liaison entre Lancelot et Guenièvre,
même si elle est adultère, est une liaison unique que le mariage de la reine n’entache
d’aucune irrégularité vis-à-vis du code d’amour.
    Mais ce code d’amour n’est peut-être pas si clair qu’on le
pense. La trente et unième règle fait figure de fausse note : «  Rien ne défend à

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