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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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musc, celui du lys d’Espagne. Mélange insidieux qui appelait à l’ivresse, à la violence. Il dissipait fougueusement la mélancolie de cette heure non sans charme ni sans richesse pour une âme blessée. Ce charme, Babet ne pouvait le sentir : il y avait dans sa jeunesse sans souci trop de vitalité, et en elle trop de goût justement pour toutes les violences, les violences joyeuses. À mi-voix, elle ne cessait d’attaquer Bernard, se moquant de ce qu’elle appelait ses airs transis.
    « Tu vas devenir une vraie fille, disait-elle. Ah ! le beau joueur de paume ! Tu ferais mieux d’endosser la soutane. Ou le froc, pardienne ! Ça t’irait si bien de chanter matines. »
    Ou encore, emportée comme par un élan pitoyable, elle se pressait contre lui.
    « Oh ! pauvre mion, que je te plains ! Comment peux-tu être si assoté ? » s’écriait-elle en lui mettant sous le nez ses seins offerts comme en une corbeille, dans son décolleté jamais couvert d’aucun fichu ou mouchoir de gorge. Si le garçon se laissait aller à vouloir porter la main sur ces rondeurs blanchoyantes dans l’ombre et odorantes, Babet se retirait avec une ondulation de couleuvre. Elle se renfermait dans sa mante.
    « Voyons, Bernard, tu n’y penses pas ! Te commettre avec une fille de mon espèce !
    — Ton espèce ! Quoi ! ton espèce ! Je ne t’ai jamais méprisée. À tes façons, croirait-on pas que je t’ai fait injure ? Qu’as-tu donc contre moi, enfin ?
    — Rien. Absolument rien. Au contraire, je t’aime bien, tu vois, puisque je viens te tenir compagnie, que j’essaie de te distraire.
    — Drôle de distraction, sur mon âme ! Tu me harcèles et tu me repousses.
    — Je ne te repousse pas, je me sauve. J’ai peur de toi, vois-tu, dit-elle avec une candeur qui couvrait la plus insidieuse ironie, car Babet savait bien que c’était lui qui avait eu peur d’elle.
    Il entra en colère, élevant la voix.
    « Volage, moi ? Volage ? eh bien, ça, par exemple ! C’est la plus grande injus…
    — Chut ! chut ! on va t’entendre, murmura-t-elle en lui posant sur les lèvres ses doigts parfumés. Inconstant, disons, si tu préfères. Combien en as-tu eu, de filles ?
    — Et toi, combien as-tu eu de galants, jeunes ou vieux ? combien de bourgeois ? combien de beaux messieurs de la noblesse ? Et même combien de ces dames ? Car il paraît que tu es comme notre bonne Reine : tu ne te bornes pas aux hommes. »
    Elle se leva, chuchotant d’un ton calme et triste :
    « Tu vois quelle estime tu as pour moi. Tu crois tous les mensonges que l’on colporte sur mon compte. Voilà comment tu me remercies de mon amitié. Comprends-tu à présent pourquoi il ne peut y avoir d’amour entre nous ? Adieu, Bernard ? Je ne t’importunerai plus. »
    Il savait pertinemment qu’elle lui jouait la comédie. Elle ne le cachait même pas ; en s’éloignant de lui, elle étouffait à peine un petit gloussement. Mais cette répétition d’une autre rupture trop véritable, celle-là, hélas ! lui faisait mal et le rendait lâche. Il saisit Babet par le bras, à travers sa mante, la ramena près de lui.
    « Allons, dit-il, entrant dans le jeu puisqu’il le fallait. Je te demande pardon, mais tu n’ignores pas du tout que je ne te juge en aucune façon. Je te trouve très bien telle que tu es, je ne suis pas jaloux.
    — Ah ! oui, vraiment ? Je devrais me sentir flattée d’entendre cela ? Tu n’es pas jaloux de moi ! Quel cœur m’offres-tu alors, qui tiendrait si peu à obtenir le mien sans partage ? Non, tu ne me méprises pas. C’est pire : tu me prends pour rien. Va-t’en. Je ne veux plus t’entendre.
    — Eh ! par ma foi ! s’exclama-t-il, lâchant avec dépit le bras dont il sentait l’agréable rondeur, porte-le au diable, ton damné cœur ! Et le reste avec. »
    Bouillant d’exaspération, il rompit, gagna en deux enjambées la remise où il tâtonna au milieu des ténèbres pour découvrir l’escalier roide comme une échelle qui menait à sa chambre. C’était une soupente dans le grenier du petit bâtiment établi en appentis. Il s’y trouvait bien chez soi, libre, s’il le voulait, de sortir et rentrer sans traverser la maison. Il alluma la chandelle en se jurant de ne plus adresser la parole à Babet. Complètement insensée, cette fille ! Pour qui se prenait-elle ? À quoi prétendait-elle ?…
    Il marchait de long en large, sur ses bas, car il s’était

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