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Lancelot du Lac

Lancelot du Lac

Titel: Lancelot du Lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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douleur de la reine. Et elle l’avait fait avec beaucoup de tendresse : aurait-elle porté dans son ventre cet enfant, elle ne l’aurait pu garder avec plus de douceur et d’amour. Et le lac où elle avait semblé se jeter avec lui n’était en fait qu’un enchantement que Merlin avait fait pour elle : à l’endroit où l’eau paraissait justement le plus profonde, il y avait de belles et riches maisons, à côté desquelles courait une rivière très poissonneuse ; mais l’apparence d’un lac recouvrait tout cela.
    Toute l’année, cette terre merveilleuse était fleurie comme au milieu du mois de mai, lorsque les oiseaux chantent la joie de vivre, et tout autour s’étalaient des vergers dont les arbres portaient toujours des fruits mûrs et savoureux, d’une douceur de miel et du goût le plus subtil qui pût exister. Et, surtout, il y avait une colline de cristal, arrondie comme une balle, sur laquelle avait été construite une splendide forteresse, entourée d’une muraille que nul être humain, si habile fût-il, n’eût pu franchir vivant, sauf à l’endroit où se trouvait la porte. Cette muraille était faite en diamant très dur, et tous ceux qui résidaient à l’intérieur se trouvaient ainsi en complète sécurité. La forteresse était ornée avec grand art. Rien, à l’intérieur, ne portait la marque du temps. Personne n’y subissait les effets de la colère, de l’envie ou de la souffrance. Les pierres dont avait été construit le palais avaient une telle vertu, à ce qu’on raconte, que quiconque y passait la durée d’une journée ne ressentait jamais la tristesse, mais ne connaissait que la joie. C’est là que résidait la Dame du Lac, au milieu d’une multitude de femmes, toutes aussi belles les unes que les autres, et qui étaient vêtues de robes et de manteaux de soie brochée de l’or le plus pur qu’on eût pu trouver (13) .
    C’est donc en ce pays inconnu du monde que la Dame du Lac emmena le fils du roi Ban de Bénoïc. Mais elle se garda bien de révéler quel était le nom de l’enfant ni de quelle illustre famille il descendait. Parfois, on l’appelait « Fils de Roi », mais, d’une façon générale, il était « Beau Trouvé ». La Dame du Lac le confia à une nourrice qui prit bien soin de lui, mais toutes les femmes le chérissaient et voulaient se faire aimer de lui. Cependant, lui-même croyait que la Dame du Lac était sa mère, et personne ne le détrompait. Et le temps s’écoula ; l’enfant grandit et devint si beau garçon qu’à l’âge de trois ans, il était si vigoureux et si bien formé qu’il en paraissait cinq (14) .
    À cet âge, la Dame du Lac fit venir un écuyer qui fut chargé de l’instruire et de lui montrer à se comporter en gentilhomme. Dès que ce fut possible, on lui donna un petit arc et des flèches afin qu’il s’exerçât à viser. Il commença par chasser les petits oiseaux. Puis, quand il fut plus grand, on renforça ses armes, et il put viser les lièvres et les perdrix. On lui donna un poulain aussitôt qu’il fut capable de chevaucher, sur lequel il se promenait aux environs du lac, toujours accompagné de son maître et de quelques suivantes. On lui apprit également à lire et à écrire, à chanter en s’accompagnant d’une harpe, à composer des poèmes, et l’on n’oublia pas non plus de lui enseigner les jeux, comme les échecs et les tables. Et il n’éprouvait aucune difficulté tant son esprit était vif et son habileté exceptionnelle.
    Son teint était frais et clair. Sur son visage, la blancheur de sa peau s’harmonisait parfaitement avec le rouge de ses lèvres minces et bien faites, le brun de son hâle, ses dents blanches, menues et serrées. Son menton, creusé d’une petite fossette, était bien formé, son nez un peu aquilin, ses yeux bleus mais changeants : riants et pleins de joie quand il était content, semblables à des charbons ardents quand il était irrité. Lorsque tel était le cas, ses pommettes se tachetaient de gouttes de sang, il fronçait le nez, serrait les dents si fortement qu’elles grinçaient, et l’on eût cru son haleine vermeille. Alors, sa voix sonnait comme l’appel d’une trompette, il mettait en pièces tout ce qu’il avait dans les mains ou déchiquetait ce qu’il avait entre les dents. Une fois calmé, il oubliait tout, sauf le motif de sa colère.
    Il avait le front haut, les sourcils fins et serrés, et ses cheveux très souples

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