Lancelot du Lac
feuillage. Sur le rivage, un vent frais faisait frémir la robe de Viviane qui pleurait silencieusement. Alors, elle eut soudain furieusement besoin de tendresse et, se mettant à marcher lentement à la limite des eaux, elle se dirigea vers la tour d’air invisible où elle savait que Merlin la regardait. Puis, tout à coup, elle disparut dans la brume du matin (17) .
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Les Aventures sans Pareilles
Quand le fils du roi Ban s’engagea dans la forêt, il était tout heureux et tout fier d’être libre et de pouvoir, avec l’accord de la Dame du Lac, entreprendre l’aventure qui lui permettrait de connaître enfin son nom et ses origines. Mais, quand il fut parvenu dans une clairière où chantaient des oiseaux, il se sentit tout à coup accablé par le désespoir. « Comment ? se dit-il. J’ai abandonné celle qui a été pour moi plus qu’une mère. Je l’ai quittée sans me retourner, par orgueil, sans me préoccuper de son chagrin. Je suis parti comme un voleur, sans même la remercier, sans même lui avoir avoué que je l’aimais comme ma vraie mère ! » Il s’arrêta et mit pied à terre. Et comme il était seul, il se mit à pleurer abondamment. « En plus, se désespérait-il, ma Dame m’a demandé d’accomplir une mission : délivrer son frère des maléfices de ce maudit enchanteur que l’on nomme Iweret. C’est à cette condition que je saurai mon nom. Suis-je fou de m’être lancé dans cette aventure sans m’informer davantage. C’est mon orgueil qui m’a fait quitter aussi vite ma Dame ! Je ne sais même pas où se trouve cette forteresse de Dodone dont elle m’a parlé, et rien de plus sur cette forêt qui l’abrite. Que ne lui ai-je demandé le chemin sur lequel il fallait m’engager ! Cette mission est impossible et je vois bien que je perdrai à tout jamais et mon nom et mon honneur ! » Ses pleurs redoublèrent. S’étant enfin calmé, il fut tenté de revenir en arrière, vers ce lac où il avait passé son enfance. Mais, il se souvint que la Dame, lors de son départ, lui avait dit : « Va, Fils de Roi ! » Serait-il vraiment un fils de roi égaré au milieu du monde ? Cette pensée le réconforta. « Je jure, dit-il à haute voix, de me montrer digne de la confiance dont m’a honoré la Dame du Lac. Quoi qu’il puisse m’arriver, je ferai en sorte de vaincre l’enchanteur Iweret et de délivrer son frère Mabuz. Que Dieu me maudisse si je ne parviens pas à ce but, quels que soient les difficultés et les périls qui m’attendent. Je montrerai à tous que je suis vraiment Fils de Roi. D’ailleurs, quand on me demandera qui je suis, je répondrai : « Fils de Roi ! » Et tant pis pour ceux qui ne seront pas satisfaits de ma réponse ! »
Il se remit en selle et reprit son chemin. La nuit tombée, il se reposa sous un arbre après avoir mis son cheval dans une prairie où l’herbe poussait en abondance. Puis, le lendemain matin, il repartit, droit devant lui. Il n’avait pas mangé depuis son départ, et il avait très faim. Il aurait bien voulu se nourrir de gibier, mais, dans les bois qu’il parcourait, il n’en voyait aucun. Il se contenta donc d’étancher sa soif à chaque fontaine qu’il rencontrait. Enfin, il parvint à une grande plaine au milieu de laquelle se dressait une forteresse de pierres blanches qui étincelaient sous les rayons du soleil.
« Voici un pays habité, s’exclama-t-il. Si ceux qui résident dans cette forteresse sont des gens courtois, ils me donneront l’hospitalité et me permettront de me restaurer, car j’en ai grand besoin. Mais s’ils ne veulent pas me recevoir, je sais bien ce que je ferai : je prendrai la nourriture qui me fait défaut ! » Et, sans plus attendre, il piqua des deux vers le château. Il était très grand, avec de hautes murailles qui ne permettaient pas de voir à l’intérieur. Il était entouré d’un large fossé où coulait une eau tumultueuse et terrifiante. Le pont était levé, et ne permettait aucun accès. Le jeune homme en fit le tour, mais vit bien qu’il n’y avait qu’une seule porte. Il s’écria : « Holà ! Qui que vous soyez, ouvrez-moi ! Je suis Fils de Roi et vous demande la permission d’entrer afin de prendre quelque repos et de partager votre nourriture ! Si vous êtes gens de bonne compagnie, vous ne pouvez refuser de m’accueillir ! Et sachez bien que je vous en serai reconnaissant toute ma vie ! »
Mais la porte resta désespérément
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