L'archer du Roi
profonde, et avant que la musique ne s’éteigne,
Thomas avait déjà sorti une deuxième flèche parmi la douzaine qu’il avait
plantées pointes en bas dans le sol. À nouveau, il tendit la corde. Les
cavaliers continuaient à fondre droit sur eux lorsqu’il visa celui de gauche.
Il décocha son trait, en prit un troisième, et, tandis que le martèlement des
sabots sur le sol durci par le gel était aussi puissant que celui des tambours
écossais à Durham, le deuxième homme sur la droite se mit à zigzaguer, tomba en
arrière, une flèche plantée dans la poitrine. Le troisième sur la gauche était
renversé sur le troussequin de sa selle. Les deux autres, comprenant enfin le
péril, s’écartèrent pour se mettre hors de portée. Les mottes de terre et
d’herbe jaillissaient sous les sabots de leurs chevaux. Thomas se dit qu’avec
deux doigts de bon sens, ils s’enfuiraient comme s’ils avaient l’Hadès et la
Mort à leurs trousses et rebrousseraient chemin dans l’espoir d’échapper aux
flèches. Mais de bon sens, ils n’en avaient point. Car, mus par la rage propre
à deux soldats défiés par celui qu’ils avaient pris pour un ennemi inférieur,
ils revinrent sur leur proie et Thomas décocha sa troisième flèche. Les deux
premiers cavaliers étaient hors d’état de nuire, l’un tombé à terre et l’autre
étendu telle une poupée molle sur son cheval qui broutait tranquillement
l’herbe pâle d’hiver. Et la troisième flèche vola droit sur sa victime. Le
cheval qui avançait au galop leva la tête et la flèche glissa sur le côté de
son crâne, éclaboussant de rouge son poil noir. L’animal vira sous l’effet de
la douleur et le cavalier, qui ne s’était pas préparé à se retourner, perdit
l’équilibre. Mais Thomas n’avait pas le loisir de surveiller ses faits et
gestes car déjà le quatrième cavalier était à l’intérieur du cercle et fondait
sur lui, chevauchant un cheval gris pâle.
L’homme, vêtu d’une vaste cape noire qui se soulevait
derrière lui, tira son épée avec un cri de défi et la dirigea telle une lance
contre la poitrine de son adversaire. Mais Thomas avait déjà placé sa quatrième
flèche sur la corde, et l’homme à la cape comprit soudain qu’il avait une
fraction de seconde de retard. « Non ! » hurla-t-il, et Thomas
ne prit pas la peine de tendre pleinement son arc. Il lança sa flèche avec
suffisamment de force pour lui permettre d’aller s’enfoncer dans la tête du
cavalier, faisant éclater l’arête de son nez et se logeant profondément dans
son crâne.
L’homme s’affaissa, le bras qui tenait son épée tomba.
Thomas sentit le vent lorsque son cheval passa à côté de lui en galopant dans
un bruit de tonnerre, avant que son cavalier ne s’affale sur sa croupe.
Le troisième homme, celui qui avait été jeté à bas de sa
monture, s’approchait de Robbie au centre du cercle. Thomas déterra une flèche.
— Non, lui cria l’Écossais, il est à moi.
Thomas détendit la corde.
— Chien bâtard ! cracha l’homme à l’adresse de
Robbie.
La vue de celui qu’il prenait pour un béjaune avait dû le
rassurer, car ce fut avec un demi-sourire qu’il bondit sur l’Écossais en
brandissant son épée. Robbie recula, para, et les lames résonnèrent comme des
cloches dans le ciel clair.
— Bâtard ! répéta l’homme en réitérant son
attaque.
Robbie recula encore, cédant du terrain jusqu’à ce qu’il eût
presque atteint le cercle de pierres, et sa retraite inquiéta Thomas qui avait
déjà réarmé son arc. Mais soudain, Robbie para d’un geste vif et riposta si vite
que le Français fit marche arrière en toute hâte.
— Bâtard d’Anglais ! l’insulta Robbie, en fendant
l’air de sa lame baissée, contraignant l’homme à baisser la sienne pour parer.
D’un seul geste, l’Écossais la fit voler de côté et plongea
l’épée de son oncle dans la nuque du Français.
— Bâtard de bâtard d’Anglais ! aboya Robbie en
retirant son épée, ce qui fit gicler une gerbe de sang rouge vif. Maudit porc
anglais !
Il libéra son épée, puis la baissa à nouveau en taillant
dans ce qui restait du cou de l’homme, qui tomba dans une flaque de sang.
— Ce n’était pas un Anglais, observa Thomas.
— Oh, c’est mon habitude quand je me bats, expliqua
l’Écossais. C’est comme ça que mon oncle m’a entraîné.
S’avançant vers sa victime, il demanda :
— Il est
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