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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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une attaque. Chaque nom était un mur, une proclamation, une flèche, un reproche. Subtilement, à sa manière ingénieuse et paisible, le vieil homme montrait à Noah ce monde homogène et fermé, cette confrérie de simples noms anglais de laquelle descendait sa fille. Par des voies détournées, sans rien dire, il demandait à Noah ce que viendrait faire un Ackermann dans ce monde, un nom solitaire importé du chaos de l’Europe, un nom sans père et sans foyer, un nom sans racines, fruit du hasard, un nom vide.
    « Je crois que j’aimerais encore mieux le frère », pensa Noah. Plutôt les vieux arguments usés, laids et familiers que cette attaque yankee, habile et silencieuse.
    Ils dépassèrent le quartier commerçant, toujours en silence. Une école de briques rouges apparut au centre d’une pelouse, couverte de lierre desséché.
    –  L’école où elle est allée, dit Mr Plowman en la désignant du menton.
    « Un nouvel ennemi », songea Noah en regardant le vieux bât iment accroupi derrière ses chênes séculaires, un autre antagoniste en embuscades depuis vingt-cinq ans. Il déchiffra la devise gravée au-dessus du portail. « Tu connaîtras la vérité », proclamaient les lettres effacées à l’intention des générations de Plowman qui avaient franchi ce portail pour apprendre à lire, à écrire, et de quelle façon leurs ancêtres avaient pris pied sur le roc de Plymouth, plus de trois siècles auparavant.
    –  Tu connaîtras la vérité, et la vérité fera de toi un homme libre.
    Noah croyait entendre la voix de son propre père, son langage fleuri, truffé de citations bibliques …
    –  Elle a coûté vingt-trois mille dollars en 1904, disait Mr Plowman. Ils ont voulu la raser et, en reconstruire une autre en 1935. Nous les avons empêchés de gâcher l’argent des contribuables. C’est une excellente école.
    Ils continuèrent à marcher. À cent mètres devant eux, un clocher s’élevait, austère et svelte dans le ciel matinal. « Nous y sommes, pensa Noah désespérément. Il est encore plus rusé que je l’aurais cru. C’est devant cinq ou six douzaines de Plowman enterrés dans le cimetière de cette église qu’il va me donner le coup de grâce… »
    L’église avait été construite en bois blanc et reposait délicatement entre ses pelouses inclinées, recouvertes de neige. Elle était solide et réservée et n’appelait pas Dieu à grands cris, comme les imposantes cathédrales des Italiens et des Français, mais s’adressait à Lui en termes mesurés, précis et simples.
    –  Nous avons assez marché, je pense, dit Mr Plowman, alors que l’église était encore distante d’une cinquantaine de mètres. Vous voulez retourner ?
    –  Oui, dit Noah.
    Il était étourdi et perplexe et marchait mécaniquement, presque à l’aveuglette, tandis qu’ils reprenaient le chemin de l’hôtel. Le coup ne s’était pas encore abattu, et il était impossible de prédire quand il se déciderait à s’abattre. Il scruta le visage du vieil homme. Une expression de concentration et de perplexité errait sur ces traits de granit, et Noah sentit qu’il fouillait douloureusement son esprit à la recherche des mots propres, à la recherche des mots raisonnables, mais décisifs, équitables, mais définitifs , q ui congédieraient à jamais ce présomptueux soupirant de sa fille.
    –  Vous êtes en train de faire une chose terrible, jeune homme, dit Mr Plowman, et Noah sentit ses mâchoires se crisper tandis qu’il se préparait à combattre. Vous obligez un vieillard à réviser tous ses principes. Je ne nie pas que je préférerais vous voir tourner les talons et retourner à New York et renoncer définitivement à Hope, mais vous ne te ferez pas, n’est-ce pas ?
    Il regarda Noah, d’un air pensif.
    –  Non, répondit Noah. Je ne le ferai pas.
    –  Je ne pensais pas que vous le feriez. Vous ne seriez pas venu ici si vous en aviez eu l’intention.
    Le vieillard respira profondément et regarda le trottoir, tout en marchant lentement, au côté de Noah.
    –  Excusez-moi de vous avoir imposé cette triste promenade à travers la ville, dit-il. On vit toujours plus ou moins machinalement, mais, de temps en temps, il arrive qu’on doive prendre une décision, et qu’on doive se demander ce qu’on croit et ce Qu ’on ne croit pas, et si l’on fait bien de croire ce que l’on croit. C’ est ce que vous m’avez obligé à faire, au cours des trois

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