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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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elle
est morte d'une étrange maladie. On prétend que c'est mon père qui l'a tuée
tant il aspirait à entrer dans l'ordre du Temple et à mener la vie d'un homme
respectant ce qu'on appelle le célibat ! En fait, tout ce qu'il voulait
c'était s'emparer des richesses, des maisons, des fermes, des manoirs, des
champs et du cheptel des templiers. Il ferait n'importe quoi, Mathilde, pour
aboutir à ses fins. Ses désirs ont force de loi divine !
    — Vos frères ne reviendront
pas ; je ne crois pas qu'ils oseront ! martelai-je.
    Isabelle acquiesça.
    — Cela devient trop
dangereux. Si leurs petits jeux gênaient les projets de mon père, ils
subiraient son courroux de plein fouet.
    Elle plissa les yeux.
    — Notre père ne serait point
content.
    — Avez-vous jamais pensé à
faire appel à lui ?
    La princesse se mit à rire, d'un
bizarre rire étranglé
    qui montait du fond de sa gorge.
    — Tel père, tel fils,
Mathilde. Lui aussi a des reproches à se faire sur ce sujet. En l'occurrence,
il ne se comporte pas tout à fait en père.
    Elle se frappa la poitrine.
    — Dans mon cœur, dans mon
âme, il n'est pas mon père, et un jour je me vengerai. Venez, Mathilde.

 
     
    CHAPITRE IV
     
     
     
    La foi, captive, est au désespoir .
    Chanson des temps anciens, 1272-1307
     
     
    Nous nous levâmes et étions près
de la porte de la chapelle quand l'alarme fut donnée. Une corne de chasse fit entendre
son funèbre appel annonçant de sinistres nouvelles. D'autres cornes le
reprirent. Le long de la galerie des points lumineux apparurent en même temps
qu'on ouvrait brusquement des portes. Un sergent royal franchit une poterne qui
ouvrait sur l'une des cours et arriva en courant. Il avait perdu son casque, le
camail qui lui enserrait la tête, et sa chape rouge foncé traînait. Il
s'arrêta, écarquilla les yeux en nous voyant, et leva sa trompe pour sonner à
nouveau. Isabelle lui demanda de n'en rien faire, tout le palais étant à
présent réveillé. Elle s'enquit d'un ton sec de la raison d'un tel désordre.
L'homme, hors d'haleine, se contenta de tendre le doigt, puis nous entraîna
dans la cour d'où il venait, maintenant illuminée par des lanternes. Serviteurs
et soldats s'étaient rassemblés dans une flaque de lumière autour d'un corps
gisant affreusement contusionné et tout recroquevillé sur les pavés. Je me
frayai un chemin — et Isabelle ordonna qu'on
s'écarte — pour aller m'accroupir devant le cadavre de Sir Hugh
Pourte. Le grand marchand ne portait que sa chemise de nuit, remontée fort haut
sur ses genoux osseux ; ses yeux, dans le trépas, étaient ouverts et
vitreux, son nez, sa bouche et ses oreilles éclaboussés de sang. Son cou tordu
pendait d'une façon troublante comme celui d'un poulet mort. Il était encore
chaud et ses muscles étaient souples : le décès devait être très récent.
    —  Regardez * !
    Le guttural accent navarrais de
l'un des gardes retint mon attention. Je levai les yeux vers le mur du
palais : au troisième étage, à environ vingt-sept pieds au-dessus de nous,
la grande croisée avait été ouverte.
    —  Et là, et là * !
    Je suivis la direction indiquée.
Sous la fenêtre se trouvait une rangée de crochets de fer rouillés enfoncés
dans la pierre grise pour assujettir les échelles qu'on y plaçait afin que les
maçons, les charpentiers et les vitriers puissent effectuer des réparations. À
l'un de ces crochets, luisante à la lumière des torches, pendait l'épaisse
chaîne d'or que j'avais vue au cou de Pourte, au banquet de la veille. Pourte
l'avait-il laissée choir, avait-il tenté de la rattraper et était-il alors
tombé ?
    — Mathilde !
Mathilde !
    La voix de la princesse fit cesser
le vacarme. Moi aussi, j'entendais des grondements sourds et des cris étouffés
venant du palais. Isabelle s'était retirée au milieu d'un cercle d'hommes
d'armes et, d'un geste, m'invitait à aller m'enquérir de l'origine du tumulte.
    Je retournai en hâte dans
l'édifice. Je savais à présent retrouver mon chemin. Des pages enflammaient des
torches supplémentaires. Les galeries étaient pleines de lumières crachotantes
et d'ombres dansantes ; des exclamations faisaient écho au cliquetis des
armes et à des bruits de course. Je montai l'escalier jusqu'au corridor du
troisième étage. Il était long et étroit, percé de portes de chaque côté ;
des soldats et des valets s'y pressaient, certains frottant leurs yeux lourds
de

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