Le Cercle du Phénix
silence l’existence de Laura. Je
suppose que j’aurais dû t’en parler avant, mais je n’ai jamais trouvé le bon
moment pour le faire. Pardonne-moi.
D’un geste rageur, les doigts de Gabriel se refermèrent sur la lettre
pour n’en faire qu’une boule informe, écrasée dans son poing tremblant. Ses
yeux d’ordinaire si calmes reflétaient une brûlante colère qui effraya Julian.
— Tu
m’as menti, lâcha Gabriel en lui jetant un regard hargneux.
Instinctivement, Julian eut un mouvement de recul ; Gabriel s’était
levé et le dominait de toute sa taille, les muscles tendus à l’extrême.
— Pourquoi
réagis-tu de manière aussi excessive ? Tu n’as aucune raison de
t’emporter…
Ces paroles qui se voulaient apaisantes ne firent qu’attiser la fureur du
jeune homme.
— Ma
réaction n’est pas excessive ! Comment as-tu pu… Je croyais que…
La souffrance s’inscrivit sur ses traits et il parut soudain très
vulnérable. Julian se leva à son tour et le saisit avec force par les épaules.
— Que
croyais-tu, Gabriel ? interrogea-t-il d’un ton pressant. Voyons,
l’existence de ma fille ne change rien à notre relation.
Son cœur se serra devant le visage bouleversé de son amant. Celui-ci
baissa les yeux et répondit d’une voix sourde :
— Tu
ne comprends pas. Cela change tout pour moi. Je pensais… je pensais que tu
avais besoin de moi !
Il avait poussé un véritable cri de désespoir dont l’écho parut se
répercuter entre les murs de la chambre.
— Bien
sûr que j’ai besoin de toi, ne sois pas ridicule !
Ébranlé, Julian avait haussé le ton. La panique le gagnait. Il sentait
confusément que Gabriel et lui se trouvaient à un carrefour qui risquait de
leur être fatal.
— C’est
faux ! cria Gabriel. Tu as un enfant, tu n’as pas besoin de moi ! Je
ne te suis pas indispensable ! Tu finiras par m’abandonner, par me
trahir !
Julian se redressa. Non, il ne laisserait pas leurs chemins se séparer.
Il lutterait contre la fatalité qui le poursuivait, il lutterait pour que ses
pires appréhensions ne se réalisent pas.
Gabriel
paraissait si désemparé qu’il voulut le prendre dans ses bras pour le rassurer,
mais le jeune homme le repoussa.
— Non,
ne me touche pas…, chuchota-t-il sans le regarder.
Julian tendit la main vers lui.
— Gabriel,
l’implora-t-il, s’il te plaît, ne gâche pas tout.
Gabriel releva vivement la tête, l’air blessé.
— C’est
toi qui as tout gâché, Julian.
Un long moment, ils restèrent silencieux l’un en face de l’autre. Un
fossé semblait s’être creusé entre eux, qui s’agrandissait inexorablement de
seconde en seconde. Conscient du danger, Julian cherchait fébrilement un moyen
de recoller les morceaux. S’il échouait, le gouffre serait bientôt
infranchissable.
Il
en était encore à imaginer des paroles réconfortantes lorsque Gabriel ajouta
d’une voix à peine audible :
— Je
ne crois pas que je pourrai le supporter…
Le cœur de Julian se fendilla à ces mots. Il se força toutefois à arborer
une expression irritée destinée à dédramatiser les propos de Gabriel et à
conjurer le spectre de la rupture qui se profilait dans la chambre,
l’emplissant de terreur.
— C’est
grotesque ! s’écria-t-il avec une exaspération feinte. Je préférais quand
tu ne parlais pas, au moins tu ne disais pas de sottises ! La plaisanterie
a assez duré maintenant, ressaisis-toi !
Gabriel s’approcha de lui. Toute trace de colère avait disparu de son
visage. Seul se lisait à présent sur ses traits un chagrin sincère.
— Pardon,
mais je ne veux pas te partager avec quelqu’un d’autre, même si ce quelqu’un
est ta fille. Ce serait trop dur…
— Gabriel…
La voix de Julian se brisa. Il dut mobiliser toute sa volonté pour
achever sa phrase.
— … ne
fais pas ça… Je t’en prie…
— Pardon,
répéta Gabriel dans un murmure.
Julian se rassit lourdement sur le lit et déclara d’un ton empreint de
lassitude :
— Tu
n’as jamais cru sérieusement que nous puissions avoir un avenir ensemble,
n’est-ce pas ? La vérité, c’est que tu as peur. L’idée d’être abandonné
t’angoisse tellement que tu préfères prendre l’initiative de la séparation. Ton
comportement est pathétique…
Gabriel tressaillit, visiblement troublé.
— Non,
c’est faux, répondit-il néanmoins. Ne sois pas injuste, Julian. Ce n’est
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