Le Cercle du Phénix

s’écria Nicholas avec
colère. Nous nous inquiétions pour vous !
    La voix de Cassandra se brisa.
    —  C’est
de ma faute… La mort d’Andrew est une punition pour avoir pactisé avec Angelia.
Quelle ironie… Je me rapproche de ma sœur, et Andrew meurt presque aussitôt…
    —  Angelia
Killinton est votre sœur ? s’exclama Nicholas en faisant un pas en
arrière.
    —  Dolem
m’avait mise en garde, poursuivit Cassandra qui ne semblait pas l’avoir
entendu. J’allais retrouver ce que j’avais perdu, et perdre ce que j’allais
trouver, et c’est exactement ce qui s’est passé. Je ne le supporterai pas,
c’est trop cruel…
    Elle n’acheva pas sa phrase ; les sanglots l’étouffaient. Les larmes
si longtemps contenues jaillirent dans un flot irrépressible. Nicholas se
résolut à serrer la jeune femme contre lui et la berça doucement.
    —  Pleurez,
murmura-t-il en lui caressant les cheveux, il n’y a plus que cela à faire.
    Lorsque le flot des larmes se tarit enfin, laissant Cassandra épuisée, il
avait cessé de pleuvoir, et un timide rayon de soleil transperçait le ciel
délavé.
    Nicholas
se mit debout et ébaucha un mouvement pour l’aider à se relever.
    —  Rentrons.
Les autres doivent se faire un sang d’encre.
    Docile, Cassandra lui tendit la main. La tristesse était toujours là,
nichée au creux de sa poitrine, mais elle se sentait plus calme. Il lui
semblait qu’une partie de son chagrin avait été balayée par le raz de marée de
ses pleurs.
    Ce
répit fut de courte durée toutefois car dès leur retour au manoir, Julian se
précipita à leur rencontre, l’air à la fois soulagé et inquiet.
    —  Cassandra,
Dieu merci, vous allez bien. Mais nous avons un nouveau problème : Megan a
disparu à son tour ! Elle est introuvable.
    À ce moment, Jeremy gravit les marches du perron, trempé de la tête aux
pieds.
    —  Je
reviens de la gare, haleta-t-il. Megan a pris le train pour Londres en début
d’après-midi. Je suppose qu’elle est rentrée chez elle.
    —  Elle
ne doit pas rester seule, objecta Nicholas d’un air soucieux. Je vais aller la
chercher et la ramener ici.
    Il se dirigeait déjà vers la porte quand Stevens s’approcha, porteur
d’une enveloppe scellée qu’il remit à Cassandra.
    —  Ceci
est arrivé pour vous en votre absence, Miss Jamiston.
    Saisie d’un mauvais pressentiment, Cassandra déchira l’enveloppe et pâlit
à la lecture du message.
    —  Inutile
de vous déplacer, jeta-t-elle d’une voix brève à Nicholas.
    —  Qu’est-ce
donc ?
    —  Une
invitation à dîner de la part d’Angelia Killinton. Elle détient Megan.

Chapitre XI
    Semblable à une œuvre d’art, la longue table vernie, dressée pour deux
personnes mais qui aurait pu facilement en accueillir douze, miroitait et
ruisselait de lumière. Les verres en cristal et l’argenterie étincelaient à la
lueur de centaines de bougies écarlates brûlant dans des candélabres en argent.
Des porcelaines de Sèvres du plus grand prix voisinaient avec des corbeilles
débordant de fruits exotiques. De splendides fleurs de serre, artistement
disposées dans trois vases plats en milieu de table, complétaient ce luxueux
tableau hédoniste, auquel Cassandra n’avait cependant jeté qu’un rapide coup
d’œil.
    À vingt
heures précises, elle s’était présentée à la résidence Killinton à Grosvenor
Square. Un domestique stylé d’origine asiatique l’avait introduite sans un mot dans
le hall puis guidée jusqu’à la salle à manger où l’attendait sa sœur, assise à
un bout de la table. Vêtue d’un chatoyant rouge ponceau, Angelia avait enroulé
sa chevelure noire en diadème au-dessus de son front. Elle se leva
précipitamment à l’entrée de Cassandra et tendit les bras vers elle, le visage
radieux.
    —  Où
est Megan ? demanda Cassandra avec froideur, coupant court à toute
démonstration d’affection.
    Angelia laissa lentement retomber ses bras le long de son corps. Si elle
fut déçue par le manque de chaleur de sa sœur, elle n’en laissa toutefois rien
paraître.
    —  Assieds-toi,
proposa-t-elle d’un air conciliant, nous discuterons ensuite.
    —  Où
est Megan ? répéta Cassandra en obtempérant de mauvaise grâce.
    —  Elle
est parfaitement en sécurité, la tranquillisa Angelia qui se rassit à son tour,
l’air soulagé comme si elle avait craint que Cassandra ne prenne la fuite. Si
tu acceptes de coopérer avec moi, elle te