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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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Majesté   ? Non, non et non   ! Un envoyé du roi de France, capitaine de dragons et décoré de la croix Saint-Louis, ne se laisse pas traiter comme un vulgaire domestique   ! Il se montra si intraitable que M. de Prunevaux en avertit aussitôt Vergennes, lequel chargea le comte de Broglie de ramener une fois de plus le rebelle à la raison. L’ancien chef du Secret lui fit parvenir une nouvelle lettre pleine de sages avertissements, en prenant garde surtout de ne pas le heurter de front   : «À mon arrivée à Ruffec, lui écrit-il, j’apprends avec le plus grand étonnement que vous n’avez pas accepté les propositions qui vous ont été faites par M. le comte de Vergennes, et que vous avez méconnu le prix des bontés que le roi voulait bien avoir pour vous en vous conservant le même traitement qu’il avait plu au feu roi de vous accorder. Je vous avoue que je ne puis concevoir sur quel fondement vous appuyez une pareille résistance. [...] Je désire donc que vous écoutiez la voix de la raison, du devoir et même de votre propre intérêt, et que vous répariez par une prompte obéissance des torts qu’une plus longue résistance aggraverait d’une manière irréparable {160} .   »
    Nouvelle démarche de Prunevaux   : cette fois d’Éon, ô surprise, le reçoit aimablement. « Il prit un ton de confiance, de douceur et de résignation que je ne lui avais jamais vu, raconte M. de Prunevaux. Ce n’était plus celui d’un dragon, mais c’était celui d’une Amazone blessée qui voit couler son sang. Il reprit son histoire entière depuis le moment où son père le fit baptiser et élever comme un garçon dans le désespoir où il était d’en avoir perdu un et dans la crainte de n’en avoir pas par la suite. Enfin après ne m’avoir laissé aucun doute sur son physique, il me représenta toutes les horribles fatigues qu’il avait essuyées, toutes les peines, toutes les craintes, tous les dangers où sa rare complexion l’avait jeté {161} .   »
    Cette histoire commençait à agacer Louis XVI, lequel n’avait guère envie d’entendre parler de cet excentrique au sexe incertain. « Mlle d’Éon est enfin donc déclarée par sa propre bouche, écrivait-il après avoir pris connaissance de la lettre de Prunevaux. C’est un commencement de confiance qu’il a en M. de Prunevaux qui pourra le mener à une conversation amicale   ; mais je pense que vous vous obstinez trop à son retour en France, d’autant plus que cela ferait de mauvaises affaires ici   ; j’ai déjà eu part des inquiétudes de la famille de M. de Guerchy sur son retour   ; le premier point est d’avoir ses papiers, si nous pouvons les avoir et s’il s’obstine à rester en Angleterre, nous pourrons l’y laisser et même avec la pension. Alors il ne sera plus nuisible et même je pense que ce sera une voie d’accommodement, car je ne crois pas qu’il veuille jamais rentrer en France {162} .   » C’était mal connaître le chevalier.
    Lorsque M. de Prunevaux revient à la charge auprès du chevalier-chevalière, bien persuadé que cette fois il va l’emporter, ce n’est plus l’Amazone blessée qui l’accueille, mais un dragon furibond. Il lui remet sans ménagement un mémoire par lequel il pose lui-même au roi et au ministre les conditions de son retour. En sus de la pension promise, il exige qu’on le réintègre, fut-ce à titre provisoire, dans ses emplois et titres (en particulier celui de ministre plénipotentiaire dont la privation est à l’origine de ses extravagances) et qu’on lui paie toutes les indemnités dont une pièce annexe donne le détail.
    Il est vrai que la cour de France lui devait des sommes importantes {163} : une partie des frais qu’il avait avancés lors de sa mission en Russie ne lui avait jamais été remboursés, de même que les dépenses parfaitement justifiées qu’il avait engagées à Londres même. Mais il eut le tort de mêler aux demandes les mieux fondées des prétentions littéralement extravagantes. Il réclamait non seulement ses appointements de capitaine pendant une période de quinze années, plus le remboursement de ses folles dépenses pendant son fastueux intérim, mais encore le remboursement des sommes fabuleuses que lui avait occasionnées son séjour à Londres pendant douze ans, tant pour la nourriture de feu son cousin, M. d’Éon de Mouloise, et de lui-même, « que pour les frais extraordinaires que les circonstances ont exigés

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