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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Pour ma part, je dois me rendre demain à Versailles.
    — Verrez-vous Sa Majesté ? demanda Noblecourt.
    — Le roi, si je puis, la reine si je dois, et deux jardiniers. Je ferai aussi ma cour à M. de Maurepas.
    — Toutes les puissances du jour réunies. Vous voilà «  jeune cour  » !
    Bourdeau se moquait gentiment.
    — Ne le raillez pas, dit Noblecourt, c'est sagesse de se conduire ici. Rappelez-moi au bon souvenir de M. de Maurepas. Je l'ai connu dans ma jeunesse. Dans les années trente, avec le chevalier d'Orléans, fils légitimé du Régent et de la comtesse d'Argentan, d'Argenson la guerre 38 , Caylus et lui, nous allions, déguisés de redingotes et chapeaux ronds admirer les parades à la foire Saint-Germain…
    M. de Noblecourt se versa une pleine rasade de vin qu'il avala d'un trait.
    — Surtout celle des pièces détachées du répertoire des théâtres, poursuivit-il rêveusement toutes croustilleuses de par la manière dont elles étaient rendues. Ah ! quelle franche gaieté les baladins y mettaient : ardeurs gaillardes, prononciations vicieuses, zet plein de cuirs 39 hi, hi !
    Za qui de continuer ? Ce n'est pas za Didon ?
    Pas t'à vous ? Pas t'à moi, pas t'à lui,
    Za qui donc ?
    Dieu, que nous riions ! À gueule ouverte et hauts-de-chausses déboutonnés…
    Mais Nicolas semblait pressé d'en revenir au nouveau crime.
    — Autre chose, Pierre ?
    — J'ai cru devoir dresser un tableau circonstancié des activités des susdits suspects dans la nuit du crime.
    Il dégagea de son tablier blanc les basques de son habit et en sortit un long document dont les pièces étaient reliées par des morceaux de pain à cacheter. Nicolas, à cette vue, se leva et, prenant Bourdeau dans ses bras, l'embrassa sur les deux joues au grand ébahissement de l'assistance. L'inspecteur rougit de plaisir devant cette rare et inattendue manifestation de son chef.
    — Je vous le dis, clama Nicolas. Il est irremplaçable pour la rillette, la gélinette et l'enquête ! Maintenant, il prévoit même ce que je me proposais de lui demander !
    — Quinze années de complicité tissée à la même chaîne, dit Noblecourt ému.
    — Dans la première colonne, reprit Bourdeau, vous trouverez les noms de la victime et des témoins y compris…
    Il baissa le ton.
    — … ceux du duc et de la duchesse de la Vrillière.
    — Bien vous en a pris, remarqua Nicolas. Je tiens de bonne source que le duc n'était pas à Versailles dimanche soir comme il le prétendait, et qu'il aurait passé la nuit à Paris.
    — Chez la belle Aglaé ?
    — Ce serait étonnant, elle est exilée.
    Bourdeau hocha la tête d'un air entendu.
    — La deuxième colonne indique l'emploi du temps de chacun de dix heures à minuit dimanche soir. La troisième rassemble la collection de leurs différentes activités le lendemain matin. La quatrième porte les observations des uns et des autres, la cinquième mes propres constatations, la sixième les indices de la scène du meurtre, la septième les jugements sur la victime et la huitième et dernière colonne rapporte le diagnostic du médecin sur Léon Missery et sa blessure.
    Nicolas se plongea un long moment dans la lecture du document.
    — Voilà un très saisissant tableau. Quelles premières conclusions en tirez-vous ?
    — Rien ne concorde vraiment, ni les heures ni les témoignages. Où se situe la frontière entre le désordre du propos, la vérité et le travestissement de celle-ci ? Tout n'est qu'effets d'escamotage et confus imbroglio.
    — Sans compter, ajouta Nicolas, qu'il en est de même avec la religieuse belle-sœur du maître d'hôtel. Je ne lui donnerais pas son billet de confession ; elle paraît dire la vérité pour mieux mentir, découche de son couvent, le dissimule et, tenez-vous bien, a tenu conférence ce matin même avec la duchesse de la Vrillière. Considérez la somme de tout ceci !
    — Est-ce une carmélite ? demanda Noblecourt.
    — Non, une fille de Saint-Michel, une eudiste. Pourquoi cette question ?
    — Le grand roi a dit un jour à Monsieur, son frère, qu'il savait bien que les carmélites étaient des friponnes, des intrigueuses, des ravaudeuses, des brodeuses, des bouquetières, mais qu'il ne croyait pas qu'elles fussent des empoisonneuses. Il est vrai qu'elles avaient failli faire périr sa nièce avec l'une de leurs médecines !
    Nicolas raconta alors sa journée et ses découvertes à Popincourt.
    — Le ciel, dit

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