Le Dernier Maquisard
aux lettres du domicile du chef de la Milice
locale.
Riton n’y avait pas vu malice. Supposant qu’il s’agissait de
menaces de mort ou de représailles de la part de la Résistance.
Ginette avait ensuite prétexté un empêchement pour sa prochaine
liaison et, évidemment, Georgette, compréhensive, s’en était
chargée.
Et c’est ainsi qu’elle était partie avec le message dans le
guidon. Pédalant vers sa mort.
Élise me vit accuser le coup.
– Attends, dit-elle en se levant.
Je la suivis du regard et m’étonnai de la voir ouvrir la porte
du mécanisme de l’horloge franc-comtoise.
Elle revint s’asseoir auprès de moi et extirpa une lettre d’une
grande enveloppe Kraft.
Elle me la tendit et je reconnus aussitôt l’écriture si
caractéristique de Ginette. Celle appliquée d’une petite fille de
dix, douze ans. Tout à fait immature.
Une Française fidèle au Maréchal.
Le 13 octobre de ce mois, un agent de liaison de la
Résistance empruntera en vélo, entre deux heures et trois heures de
l’après-midi, la route menant aux Trois-Moulins en venant de
Bancelles.
Un message important sera caché dans le guidon du
vélo.
Avertissez les Allemands et faites en sorte qu’elle sera
exécutée immédiatement (« immédiatement » était souligné
d’un trait) car dans le cas contraire je ne vous livrerai plus
d’informations sur les terroristes de la région.
Cet agent est sans importance pour les Allemands et elle ne
sait rien qui pourrait les intéresser. Tandis que moi…
La lettre anonyme s’arrêtait sur ces points de suspension.
Évidemment, personne n’avait eu le moindre soupçon. Et surtout
pas Riton.
Le hasard, malheureux cette fois-ci, comme d’autres…
Élise me tendait une nouvelle lettre. La même écriture.
Demandant au responsable de la Milice de prévenir les Allemands que
le maquis « Hoche », distant du nôtre d’une cinquantaine
de kilomètres, prévoyait une embuscade au lieu-dit des
« Trois-Fontaines » le 11 novembre.
Sûrement une façon de les remercier d’avoir abattu sa rivale,
car il n’y avait plus d’autres lettres avant le mois de mars 1944.
Pour signaler que les cinq Allemands disparus sur la route de
Monfort avaient été « assassinés par les terroristes du maquis
Marceau ».
Ginette s’était montrée une froide calculatrice et, en donnant
cette information, elle ne pouvait rechercher qu’une attaque du
maquis par les Allemands ou la Milice. Pourquoi désirait-elle sa
destruction ?
Elle ne pouvait pas avoir réellement retourné sa veste, surtout
à cette époque où tout le monde savait que les Allemands étaient
perdus. Alors, pourquoi ?
Je fis part de mon étonnement à Élise.
– Un membre de la Résistance en ville avait aperçu Riton déposer
une lettre dans la boîte du chef de la Milice et il en avait averti
le « capitaine Marceau » sur-le-champ. Georges a
questionné Riton qui lui a tout de suite dit qu’il n’avait rien
fait de mal. Que c’était une lettre de menaces de mort contre tous
les salauds de miliciens. Georges l’a traité de tous les noms et
lui a dit que c’était stupide, qu’il aurait pu se faire prendre sur
le fait, et que, de toute façon, de telles initiatives
individuelles étaient interdites. Riton, qui trouvait cela injuste,
s’est défendu en disant qu’il avait voulu faire comme Ginette.
Georges l’a convoquée immédiatement. Il était furieux contre elle
et l’a menacée de la virer purement et simplement. Ginette, en
pleurs, devant Riton, a supplié Georges de ne pas lui infliger
cette humiliation, en lui jurant de ne plus jamais prendre de
telles initiatives. Mais Georges l’aurait sûrement remplacée s’il
avait eu quelqu’un d’autre sous la main à ce moment-là.
Je me suis souvenu qu’on n’avait pas vu Ginette pendant une
dizaine de jours. Mais je ne savais plus à quel moment
précisément.
Néanmoins, pour moi, tout devenait clair.
Ginette avait dû avoir la trouille de sa vie et craint que
l’initiative de Riton ne finisse par éveiller les soupçons de
Georges et ne le conduise à la soupçonner de trahison. Alors elle a
souhaité l’anéantissement pur et simple du maquis.
D’ailleurs, la lettre suivante me donnait, hélas !
raison.
La même écriture annonçait que l’essentiel des forces du maquis
« Marceau » se trouverait dans les bois du Roy la
deuxième quinzaine de mai pour établir un camp de repli.
Ce qui expliquait notre
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