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Le Dernier mot d'un roi

Le Dernier mot d'un roi

Titel: Le Dernier mot d'un roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Moustiers
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l’ordre, a-t-elle affirmé.
    — Comment cela ?
    — Argenton n’est pas siège royal.
    — Et alors ?
    — Alors Louis XI a pris du repos chez nous. Voilà tout. Il a profité de notre compagnie pour marquer la pause et reprendre des forces. Le siège royal, c’est Thouars ou Plessis-lès-Tours.
    — Il a choisi Thouars.
    — Rien ne t’empêche d’aller le rejoindre. Au galop, cela ne demande qu’une heure.
    — Non. J’attends qu’il m’appelle.
    — Oui, c’est une solution.
    Hélène de Chambes ne s’étonne jamais de rien. Femme de raison, attachée à ce qu’elle nomme « l’ordre des choses » et considère essentiel, elle accepte les événements et les hommes tels qu’ils sont, sans s’embarrasser de réflexions qui dénaturent les calculs, car, pour elle, toute décision implique un calcul, répond à « l’arithmétique du pour et du contre », selon le vocabulaire d’Angelo Cato. Lorsque Philippe se pose à voix haute des questions sur son avenir politique, elle déclare tout uniment : « Tu as choisi, il y a neuf ans, de rallier le roi parce que ton intérêt s’accordait au sien. Il n’y a pas de mystère. »
    Hélène ignore la perplexité et Commynes voudrait bien lui ressembler en ce moment, car le départ de Louis XI le laisse anxieux. Le souverain a quitté Argenton plus tard que prévu, le 7 décembre, au matin. Il a dit simplement : « Je rentre chez moi » sans préciser qu’il se rendait à Thouars où l’attendait une cour triée sur le volet. Philippe en a conclu que Louis regagnait le Plessis. Il l’a vu s’éloigner sur la route, enfermé dans son chariot de voyage, entouré de lanciers à cheval et suivi par des archers à pied. Ce n’est que le lendemain, par un valet de Jean de Beaumont, que Commynes a appris que son maître se trouvait à Thouars. Il se demande pourquoi Louis ne lui a rien dit. Ces cachotteries lui paraissent indignes de leur intimité et, pour le moins, dépourvues de sens. Il n’a pu s’empêcher d’en faire part à Hélène :
    — Tu comprends ça, toi ?
    — Oui. Il t’a donné trop d’importance, ce mois-ci. Il veut rétablir l’équilibre.
    Philippe a réprimé une grimace d’impatience avant de hausser les épaules et de répliquer :
    — Quel équilibre ?
    — Tu le sais bien.
    Hélas, il le sait. Pour assujettir ses ministres, le roi change volontiers d’attitude à leur égard, passant de la faconde amicale au laconisme glacé, du sourire au dédain, de la confiance au mépris. Commynes n’ignore pas que cette conduite s’apparente à une méthode. Il devrait donc s’armer contre elle et se défendre d’en souffrir. Pourtant, elle le blesse comme un amant victime des caprices d’une maîtresse et de son humeur versatile. On dirait que la diplomatie, qui lui a tout appris, ne peut rien pour lui. Impavide devant les surprises de la politique et l’inconstance des hommes, le voilà vulnérable en présence de Louis XI, exaspéré par les contradictions de sa personne. Après leur entretien où Louis a parlé à bâtons rompus de Marguerite d’Écosse, du Dauphiné, du comte de Charolais et de la chasse, Philippe s’attendait à des confidences graves, relatives, entre autres aux événements de Péronne qui ont marqué leur destin. Eh bien, non. Louis a renoué avec le dialogue de salon, mettant Hélène à contribution, heureux, semblait-il, d’échanger des politesses anodines avec son hôtesse et de mettre à l’épreuve la sérénité de son hôte. En fait, cette soirée du 9 novembre avait, en surmenant ses nerfs, épuisé ses dernières forces. Il ne songeait, désormais, qu’à reprendre haleine, reposer sa mémoire et son esprit, éviter les confidences qui soulagent d’abord la conscience et provoquent ensuite des scrupules douloureux. La conversation d’Hélène convenait à ce programme ; elle était, d’ailleurs, moins futile que Philippe ne le pensait. Sous couvert de badinage, Hélène observait le roi, étudiait chaque mouvement de son visage, ne posait aucune question, attendant les siennes ou les provoquant avec innocence. Sans doute aurait-elle souhaité connaître son opinion intime sur les femmes. Elle avait bien son idée là-dessus, différente de celle de la cour qui ne voyait qu’un misogyne en la personne du roi. Une discrète curiosité

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