Le discours d’un roi
– pour vous faire savoir que S.A.R. est en grande forme et qu’il entretient soigneusement l’amélioration de son discours, écrivit-il à la mi-février depuis le croiseur, au large des Fidji. Il a tenu de très bons discours à la Jamaïque et au Panama, et si, peut-être, il hésite un peu plus que quand vous êtes là, il est plein de confiance et dans l’ensemble, bien mieux que je ne le pensais en votre absence 39 . » Hodgson conclut en promettant d’écrire encore quand le duc se serait exprimé un peu plus en public.
Puis ils poussèrent plus à l’ouest vers la Nouvelle-Zélande. Le 22 février à l’aube, sous une pluie battante, ils franchirent la passe menant à la baie de Waitemata et au port d’Auckland. Les discours si redoutés l’attendaient. Bertie dut en prononcer trois. « Le dernier à la mairie était fort long, et je peux vous dire que j’ai été vraiment satisfait de la façon dont je m’en suis acquitté, car j’étais tout à fait confiant en moi-même et je n’ai pas du tout hésité, écrivit Bertie à sa mère cinq jours plus tard depuis Rotorua. Les enseignements de Logue fonctionnent toujours, mais bien sûr, quand je suis fatigué, cela reste un souci pour moi 40 . » Les semaines qui suivirent furent un tourbillon de dîners, de réceptions, de garden-parties, de bals et autres fonctions officielles dont le duc se tira avec distinction. Il n’eut qu’une contrariété quand, le 12 mars, la duchesse souffrit d’une angine et, sur le conseil de ses médecins, dut revenir à Wellington pour se reposer à Government House.
Le duc envisagea immédiatement d’annuler la deuxième partie de sa tournée sur l’île du Sud pour rentrer à Wellington avec elle. D’une nature extrêmement timide, il en était venu à dépendre énormément du soutien de son épouse. La duchesse suscitait un tel enthousiasme de la part des foules – avant-goût de ce que connaîtrait la princesse Diana plus de cinquante ans plus tard quand elle se rendrait en Australie et en Nouvelle-Zélande avec le prince Charles – que Bertie était convaincu que c’était elle que le public voulait voir en réalité.
Il tint cependant bon, et fut agréablement surpris en retour. Impressionnées par son sens du sacrifice, les foules lui réservèrent un accueil particulièrement chaleureux tandis qu’il poursuivait seul son voyage. Quand il retrouva la duchesse sur le Renown le 22 mars, il pouvait être fier de ce qu’il avait accompli, sans même qu’elle soit à ses côtés.
Mais c’était en Australie que l’attendait le plus grand des défis, quatre jours plus tard, quand ils débarquèrent sous un soleil radieux dans le port de Sydney. Bertie, apparemment, n’avait pas peur de l’épreuve qui s’annonçait. « J’ai désormais une grande confiance en moi et je ne broie plus du noir avant un discours comme autrefois, écrivit-il. Je sais quoi faire maintenant, et le fait de le savoir m’aide constamment 41 . »
Pendant les deux mois suivants, au cours desquels le couple se déplaça d’un État à l’autre, les événements se succédèrent, à commencer, bien sûr, par les discours. Un des moments les plus forts, sur le plan émotionnel, fut le discours que le duc dut tenir à Melbourne le 25 avril, pour commémorer l’Anzac Day, marquant le douzième anniversaire des débarquements de Gallipoli. Il s’en tira avec les honneurs.
Puis, le 9 mai, ce fut le clou de la tournée : l’inauguration du Parlement. Nerveux, le duc avait passé une mauvaise nuit, et il avait de lui-même accru son fardeau en proposant de prononcer un discours supplémentaire. On attendait un public si nombreux qu’il avait décidé de faire une courte déclaration à la foule à l’extérieur, au moment d’ouvrir avec une clé d’or les grandes portes du nouveau Parlement. Dame Nellie Melba entonna l’hymne national ; les troupes défilèrent tandis que des avions survolaient la scène en grondant – l’un d’entre eux, d’ailleurs, s’écrasa à un kilomètre et demi de la tribune, et le pilote fut tué. Mais malgré la présence de près de vingt mille personnes (tandis que, selon les estimations, deux millions d’autres l’écoutaient à la radio), le duc parvint à dominer ses nerfs. Ce fut, transmit au roi le général lord Cavan, son chef de cabinet, « un formidable succès et l’idée en revient uniquement à S.A.R. 42 ».
Quand il entra dans la petite salle du
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