Le discours d’un roi
dispersait : “N’a-t-il pas été merveilleux ! C’est le meilleur discours qu’il ait jamais prononcé”. »
Le duc révéla plus tard qu’il avait traité ce discours comme un véritable test des progrès accomplis sous la direction de Logue et que, en s’en tirant avec un tel brio, il avait franchi un cap dans sa carrière ; enfin, son handicap semblait appartenir au passé 34 .
Les défis qui attendaient le duc au cours de sa tournée étaient cependant d’une tout autre nature. Il aurait voulu avoir son professeur à ses côtés, mais Logue refusa, rappelant que la capacité à se débrouiller seul était une part importante du traitement. On fit pression sur Logue, mais il refusa de changer d’avis, déclarant que cela serait une « erreur psychologique ».
Le duc, apparemment, ne lui en voulut pas – preuve, semble-t-il, qu’il comprenait lui aussi que son autonomie était essentielle. La veille du voyage, il écrivit : « Mon cher Logue, je me dois de vous dire à quel point je vous suis reconnaissant de tout ce que vous avez fait pour m’aider avec mon défaut d’élocution. Je pense sincèrement que vous m’avez vraiment donné les moyens de le surmonter et que si je continue vos exercices et à suivre vos instructions, je ne régresserai pas. Je pars de toute façon avec confiance. Une fois encore, tous mes remerciements 35 . »
Le Renown, emportant le duc et la duchesse, quitta Portsmouth le 6 janvier 1927. Le roi et la reine les avaient accompagnés à la gare Victoria. La séparation était d’autant plus triste qu’ils avaient dû dire au revoir à leur petite Elizabeth. « C’est le coeur lourd que je suis partie jeudi, et le bébé était si mignon quand elle jouait avec les boutons de l’uniforme de Bertie que j’en ai été très secouée », écrivit la duchesse à la reine 36 . Au long de leur périple, ils reçurent régulièrement des lettres leur rapportant les progrès de leur fille, ce qui les consola un peu de leur absence.
Bertie était également accablé par le sérieux de ses responsabilités officielles. Vingt-six ans plus tôt, son père, alors duc de Cornouailles et d’York, avait inauguré la fédération en ouvrant la première session du Parlement du Commonwealth à Melbourne. C’était maintenant au tour de son deuxième fils de suivre ses traces. « C’est la première fois que vous m’envoyez en mission en rapport avec l’Empire et je peux vous assurer que je ferai tout mon possible pour en faire le succès que nous espérons tous », écrivit-il à son père 37 . Décidé à s’acquitter au mieux de sa tâche, Bertie répéta les exercices que Logue lui avait préparés. Avec une énergie considérable, il s’appliqua à suivre son programme, alors que beaucoup de membres de son entourage profitaient de la chaleur tropicale pour se reposer.
Ils naviguèrent vers l’ouest, faisant escale à Las Palmas, en Jamaïque et au Panama. Dans une lettre démonstrative datée du 25 janvier et envoyée de Panama, le duc décrit comment il pratiquait ses exercices de lecture et les trois brefs discours qu’il avait tenus – un en Jamaïque et deux au Panama –, qui s’étaient tous bien passés en dépit de la chaleur étouffante.
Depuis que je suis ici […] je n’ai pas buté une seule fois sur un seul mot dans une conversation. Et quel que soit mon interlocuteur. Il m’est difficile de m’organiser pour ma lecture quotidienne, mais j’y parviens de temps à autre, surtout après la gymnastique, quand je suis hors d’haleine. Ce qui ne me dérange d’ailleurs pas.
Je dois avouer que vos enseignements m’ont donné une grande confiance, et tant que je peux continuer et y penser tout le temps pendant les prochains mois, je suis sûr que vous constaterez que je n’ai pas régressé. Je ne pense plus à ma respiration ; cette fonction est solide, et même par gros temps, elle reste ferme quand je parle. Je m’efforce d’ouvrir la bouche, et j’ai en tout cas le sentiment qu’elle s’ouvre plus qu’avant. Vous vous souvenez de ma peur du toast au roi. Je m’en acquitte tous les soirs au dîner à bord. Cela ne me cause plus aucun souci.
La lettre, manuscrite comme à son habitude, était signée : « Très sincèrement vôtre, Albert 38 . »
Patrick Hodgson, le secrétaire particulier du duc, tint lui aussi à assurer Logue des progrès réalisés par son élève. « Juste quelques lignes – par un temps très chaud
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