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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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histoire.
    —    Tu seras content d’apprendre que Montfort a levé le camp ce matin, à l’aube, en emportant les forces qui lui restaient, m’informa Roger Bernard. Ils avaient tous l’air de chiens battus !
    —    Montfort est mort, le corrigeai-je.
    —    Ah oui ? Alors le diable lui a donné un frère jumeau, car, même de loin, il n’y a aucun doute : c’était bien lui qui chevauchait à la tête de ses troupes.
    Je lui relatai le traitement qu’Ugolin lui avait réservé.
    —    Alors il devait seulement être inconscient, suggéra le jeune Foix. Chose certaine, il est bien vivant.
    —    Cette ordure est comme un chat, maugréai-je. Il a neuf vies.
    Il vida son gobelet d’un trait et le posa sur la table. Puis il se leva.
    —    Au moins, tu lui en as enlevé une ou deux. Maintenant, tu dois te reposer. Les Parfaits me l’ont bien précisé et je n’ai pas le courage de braver leurs interdits.
    —    Puis-je voir Pernelle ?
    —    Patience. Elle se porte bien, mais elle est. ébranlée. Il lui faut du temps. Les Parfaites s’occupent bien d’elle.
    Il allait sortir lorsqu’il s’arrêta, la main sur la porte, et se retourna.
    —    Tu lui as vraiment arraché la langue avant de lui fourrer ses génitoires dans la gueule ? s’enquit-il avec un sourire coquin.
    —    Et sa queue aussi. Avec un plaisir que tu ne peux même pas imaginer.
    —    Bien, fit-il en hochant admirativement la tête. Fort bien. Plus je te connais, plus tu me plais ! Rappelle-moi de ne jamais entretenir de désaccord avec toi !
    Il m’observa longuement, puis un sourire à la fois entendu et menaçant se forma sur sa bouche.
    —    Au fait, quelqu’un insiste pour te voir.
    Il sortit en laissant la porte entrouverte. Quelques instants plus tard, Cécile fit son apparition. Dès que la porte fut refermée, elle se précipita vers mon lit, s’agenouilla et me serra dans ses bras en posant sa tête sur ma poitrine. Je grimaçai de douleur tout en m’abandonnant au plaisir de son étreinte. Elle finit par s’apercevoir qu’elle me faisait mal, car elle se glissa prudemment dans mon lit et blottit son corps tout entier contre le mien.
    —    Tu as perdu une dent, dit-elle, souriant avec tendresse en caressant doucement mon visage.
    —    Je ne dois pas être beau à voir, répondis-je.
    —    Non. Tu es fort laid, ricana-t-elle. Et je t’aime encore plus qu’avant.
    Je m’abandonnai à la chaleur qui réconfortait mon corps et mon âme et m’endormis presque aussitôt.
    Nous étions le vingt-neuvième jour de juin de l’An du martyre de Jésus 1211 et la victoire de Toulouse était célébrée dans la ville. Ébranlés par la mort de Montbard, Pernelle, Ugolin et moi n’avions pas le cœur à la fête.
    Ma convalescence fut beaucoup plus longue que je ne l’aurais voulu. Je n’avais pas le temps de flâner dans un lit, si douillet soit-il. Je n’avais pas davantage le cœur à y rester. Les images de Montbard, mutilé et mort dans mes bras, et celles de Pernelle, violée par Raynal et à nouveau brisée, me hantaient jour et nuit. Seul le sentiment d’urgence qui ne me quittait pas leur disputait mon attention. En ce moment même, la réponse finale du Cancellarius Maximus se trouvait peut-être sous la dalle, et j’étais là, allongé comme une courtisane langoureuse, incapable d’aller la chercher. Or, je savais maintenant que Montfort était au courant de l’existence de la cache. En ce moment même, il s’était peut-être déjà emparé de la réponse du Chancelier.
    J’avais bien tenté une fois ou deux de me lever, mais j’en avais été quitte pour la sensation d’être transpercé de part en part par une épée. Mes côtes cassées étaient horriblement douloureuses et toute inspiration me faisait vaciller. Je ne pouvais même pas imaginer brandir Memento. Même si cela m’enrageait, je dus donc me résoudre à rester au lit et laisser le temps au temps en souhaitant que ma récupération soit la plus rapide possible. Pendant plusieurs jours, je dormis beaucoup, mes seuls moments d’éveil se passant en compagnie de Cécile, qui était là chaque fois que j’ouvrais les yeux et qui s’affairait à me faire boire et manger avec la tendresse d’une mère. Je soupçonnais fort que ma somnolence était due aux Parfaits, qui portaient mes repas à ma chambre trois fois par jour et qui y ajoutaient sans doute quelque concoction de leur

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