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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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fait de retourner la situation au détriment d’un tortionnaire que l’on sait lâche.
    —    Le message. Rends-le-moi.
    —    Oui. bredouilla-t-il d’une voix haletante. Tout de suite.
    —    Tout de suite qui ? demandai-je, savourant son humiliation.
    —    Tout de suite. sire Gondemar.
    Je relâchai un peu la pression pour lui permettre de fouiller dans sa chemise sans se trancher lui-même la gorge. Il en tira l’enveloppe de cuir qu’il avait exhibée avec tant de morgue lorsque j’étais enchaîné dans son cachot. Je l’arrachai sèchement de sa main tremblotante et me relevai.
    —    Surveille-le, ordonnai-je à Ugolin.
    J’ouvris l’enveloppe et en tirai un parchemin plié en quatre. Il faisait trop noir pour que je le lise, mais, dans la faible lumière de la lune, je pus y apercevoir le contour du sceau du Cancellarius Maximus.

    Satisfait, je remis le document en place et glissai le tout dans ma chemise.
    —    C’est le bon, annonçai-je.
    Je revins vers le comte et lui repris la bague de Cécile. Puis, je mis la pointe de Memento contre sa gorge et appuyai lentement, anticipant le plaisir de la première goutte de sang qui coulait sans doute déjà dans les rides de son cou.
    —    Tu étais bien hardi lorsqu’il s’agissait de faire torturer un homme enchaîné. Ou mieux encore, une femme. Voyons si tu sauras affronter la mort avec le même courage.
    J’appuyai un peu plus et il couina comme une femmelette. Je sentis qu’il essayait de rentrer dans la terre de la route pour éviter que ma lame ne lui perce le gosier. J’allais l’enfoncer quand une main, calme mais ferme, se posa sur mon avant-bras.
    —    Ne le tue pas, dit doucement Roger Bernard.
    —    Quoi ?
    —    Tu m’as entendu.
    —    Après tout ce qu’il a fait ? Après toutes ses traîtrises ?
    —    Cet homme est une ordure, j’en conviens, et il mériterait mille morts et l’enfer par la suite, mais le maudit paillard a aussi été successivement le gendre d’Amaury II, roi de Chypre, d’Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, et maintenant d’Alphonse II d’Aragon. Son assassinat nous apporterait une batterie de nouveaux ennemis puissants dont nous n’avons vraiment pas besoin en ce moment.
    —    La raison d’Etat...
    —    Elle nous prive parfois de plaisirs suaves.
    Une éternité sembla s’écouler, pendant laquelle mon envie d’occire ce vil couard et le bon sens invoqué par le jeune Foix s’affrontèrent. La raison l’emporta enfin et, en exhalant bruyamment, je retirai Memento et la remis au fourreau.
    —    Remercie Dieu que ton sang ne soit pas digne de souiller cette lame, crachai-je d’une voix sépulcrale. Hors de ma vue avant que je ne change d’idée.
    Le comte de Toulouse se mit debout avec une précipitation ridicule, puis bomba le torse en essayant de récupérer le peu de dignité qu’il lui restait. Il se dirigea vers un cheval, mais je l’arrêtai.
    —    Les traîtres vont à pied. Ainsi, Toulouse sera tranquille pour quelques jours de plus.
    Je m’approchai et lui bottai violemment les fesses, ce qui fit s’esclaffer Foix et ses hommes.
    —    Ouste, vieux forban !
    Au grand plaisir de tous, le comte se mit à courir aussi vite que le lui permettaient ses vieilles jambes et disparut bientôt dans la nuit.
    —    Il est allé du mauvais côté, non ? nota Ugolin, amusé.
    —    Grand bien lui fasse.
    Nous remontâmes sur nos montures et filâmes vers Toulouse. Pour la première fois depuis des mois, les choses semblaient prendre une tournure favorable et j’avais le cœur léger. Juste un peu.
    1
    Ordre de la Milice du Christ, Ordre des Neuf.
    2
    Une coudée représente la longueur de l’avant-bras.

Chapitre 21 Contact
    Guidé par Privat, qui semblait voir dans le noir comme un chat, nous filâmes vers Toulouse aussi vite que nos montures pouvaient nous mener. Intérieurement, je rageais. Toute mon enfance, j’avais entendu raconter des histoires qui parlaient de deux soleils brillant dans le ciel, de comètes aveuglantes qui traversaient le firmament, de la lune qui avait quatre fois sa grosseur habituelle et d’autres phénomènes de mauvais augure qui faisaient que la populace se précipitait à l’église pour prier et que les prédicateurs faisaient de bonnes affaires. Le diable semblait prendre un malin plaisir à terrifier les pauvres mortels, mais où était-il quand on avait besoin de

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