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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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était sous la surveillance permanente des autres et que le Magister avait droit de vie ou de mort sur tous. La transgression était inconcevable. Et pourtant, les parchemins avaient disparu. Celui qui les avait pris connaissait pertinemment le risque qu’il courait. Les raisons de s’en emparer devaient donc être à la hauteur du péril encouru.
    —    Il faut trois clés pour ouvrir la cassette, fis-je remarquer. Une seule ne suffit pas. Comme Eudes, Raynal et moi en détenons chacun une, aussi bien dire que nous nous sommes ligués pour voler la Vérité. Or, nous ne nous connaissons que depuis peu, et fort mal au demeurant. Voilà de bien mauvaises conditions pour conspirer.
    Ravier se leva et retourna vers l’autel. Il saisit la cassette, la retourna et la déposa cul par-dessus tête. Puis il se pencha jusqu’à ce que son nez touche presque le bois dont elle était faite et l’examina longuement en laissant ses doigts courir sur les joints. Finalement, il la remit en place.
    —    Elle n’a pas été forcée, annonça-t-il en se redressant.
    —    Le voleur possédait donc les clés, déclara Eudes, un peu sur la défensive.
    —    Pendant un temps, Eudes en a détenu deux : la sienne et celle de Drogon, qui est maintenant détenue par Gondemar, suggéra Jaume, en adressant à Eudes un regard désolé. Il aurait eu le temps d’en fabriquer un double.
    —    Mais il n’aurait pas pour autant possédé celle de Raynal, rétorquai-je.
    —    Vrai, dit Jaume, visiblement soulagé que son argument soit si facilement démonté.
    —    Mais si quelqu’un est parvenu à s’introduire dans le temple, pourquoi n’a-t-il pas volé la cassette, tout simplement ? demanda Véran.
    —    Il est certes plus facile de dissimuler des parchemins seuls sans avoir à s’encombrer d’un objet que chacun de nous pourrait reconnaître, songea Ravier à haute voix. Et puis, en la laissant ici, il maintenait l’illusion que rien n’avait disparu. Cela lui faisait sans doute gagner du temps.
    Peirina prit la parole, d’un ton calme et réfléchi.
    —    Je ne peux croire que l’un de nous se soit avili à ce point. Nous avons tous prêté serment par le sang. Nous avons juré de protéger la Vérité au prix de notre vie. La voler n’aurait aucun sens.
    Un lourd silence descendit sur le temple.
    —    Pas nécessairement, dit Raynal.
    Il me dévisagea en m’adressant un regard froid comme la glace.
    —    Explique-toi, mon frère, ordonna le Magister.
    —    Pour certains d’entre nous, le serment prononcé sur l’autel a peut-être moins de valeur.
    —    Que veux-tu dire ?
    Raynal posa les yeux sur moi.
    —    Depuis Hugues de Payns, tous les membres de l’Ordre, sans exception, ont été des cathares, membres des familles anciennes. Or, depuis peu, il se trouve deux chrétiens parmi ses membres.
    À ces paroles, je me raidis, sentant venir une accusation.
    —    Sire Bertrand et sire Gondemar sont arrivés de nulle part en prétendant avoir changé de camp, mais quelle preuve en avons-nous vraiment ? poursuivit Raynal. Nous savons que l’Église connaît l’existence de la Vérité et cherche depuis toujours à la récupérer pour la détruire. La croisade lancée contre notre foi ne représente que le plus récent prétexte et le nombre de victimes ne semble pas inquiéter ses promoteurs. Qui nous dit que nos deux nouveaux frères ne sont pas des agents du pape ?
    L’ironie avec laquelle il avait prononcé le mot « frères » ne m’échappa pas, mais je me contins.
    —    À première vue, les paroles de Raynal ont du sens, renchérit Véran, songeur. Les croisés ont d’abord tenté de s’emparer de la cassette lorsqu’elle était en route vers Montségur, mais ils ont échoué. Après qu’elle eut été mise en sécurité derrière la muraille, il leur était impossible de la prendre par la force. La seule solution qui leur restait était de nous infiltrer.
    Je voulus répliquer, mais je restai bouche bée. Que pouvais-je dire ? De leur point de vue, ils avaient entièrement raison de se méfier de moi. J’en aurais fait autant. J’étais un étranger. Un inconnu. Un seigneur du Nord. Un croisé, de surcroît. Je ne pouvais pas me réclamer des familles fondatrices, ni de la religion qui motivait l’existence de l’Ordre. Pourquoi me feraient-ils confiance ? Parce que nous nous étions entraînés un peu ensemble ? Parce que

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