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Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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seigneur, fit-il, plutôt troublé. Habituellement les hommes ne me confient pas leurs secrets. Pas depuis…
    Il hésita.
    — Serez-vous conduit devant le juge, comme un voleur ou un esclave, si je dis où vous allez et ce que vous faites ?
    — Non, fit Isaac en riant. Seulement devant le plus terrible des juges, ma femme.
    — Je saurai garder un secret devant elle, seigneur, dit Yusuf. Il est facile de tenir sa langue devant un ennemi.
    — Elle est ta maîtresse pour le temps présent, Yusuf, pas ton ennemi. Elle ne tardera pas à t’apprécier. Elle n’est pas prompte à accorder sa confiance.
    Ils quittèrent le Call par le sud et se retrouvèrent au cœur de la cité avec sa foule bruyante d’acheteurs et de vendeurs, de juifs et de chrétiens, qui riaient, bavardaient et discutaient à s’en égosiller le prix de marchandises importées ou de beaux spécimens de l’artisanat local. Les senteurs entêtantes de la laine teinte et du cuir finement travaillé flottaient à côté d’Isaac et, pareils à une carte, lui indiquaient auprès de quelle échoppe ils passaient. Sa main reposait très légèrement sur l’épaule de Yusuf alors qu’ils se frayaient un chemin parmi les étals. Quand ils furent arrivés devant le marchand d’épices, Isaac s’arrêta pour acheter du gingembre frais et de la cannelle destinés à renforcer l’appétit de dame Isabel, puis ils se hâtèrent en direction de la porte nord.
    — Sur le chemin du couvent, dit Isaac, nous allons nous arrêter dans la maison du scribe, Nicholau. Prends la rue de la cordonnerie. C’est là que vit ma fille Rebecca.
    Ils continuèrent en silence pendant quelque temps.
    — C’est mon secret, enfant, dit alors Isaac. Ma fille a épousé un chrétien et est devenue une conversa. Tu comprends ce que cela veut dire ?
    — Oui, seigneur. Nous en avons aussi parmi nous.
    — Son fils aussi est chrétien. Ma femme ne l’a jamais vu. Ta maîtresse est très religieuse, très vertueuse, Yusuf. Infiniment plus que moi. Elle aura peut-être des paroles très dures à ton égard, mais elle ne te maltraitera pas parce que tu es un enfant et, du moins provisoirement, à son service. Il est donc de son devoir de te traiter avec bienveillance. Mais elle est aussi dure que la pierre quand elle pense être dans son bon droit. Moi-même, ajouta-t-il d’un air pensif, qui ai beaucoup étudié et, quand je voyais encore, lisais les écrits des grands philosophes et me plongeais dans les secrets des grands mystiques, je ne suis jamais parvenu à autant de certitude en ce qui concerne la vérité et la justice. Nous tournons ici.
    Isaac fit encore quelques pas et s’arrêta. De la maison qui se dressait devant eux fusaient les bruits d’une querelle qui atteignait son apogée.
    — Fiche donc le camp, espèce de soiffard ! hurlait une femme.
    Un bébé pleurait. Un jeune homme pâle et échevelé sortit dans la rue en titubant. Sans un regard autour de lui, il prit la direction de la porte nord et de la cathédrale.
    — Il vaut mieux que tu attendes dehors, dit Isaac en s’avançant vers la porte, qui s’ouvrit.
    — Papa, c’est vous ! dit une jolie femme sur le seuil.
    Elle éclata en sanglots et la porte se referma.
    Yusuf s’installa sur la marche et attendit.
     
    L’abbesse Elicsenda secouait la tête d’un air consterné.
    — Elle appartient effectivement à notre ordre. Regardez son habit. Mais je ne l’ai jamais vue.
    — Aurait-elle pu venir de Tarragone ? Ne vous a-t-on prévenue de rien ?
    — Elle aurait voyagé seule ? Rappelez-vous que nos sœurs ne foulent pas les routes et les chemins comme les frères mendiants, Votre Excellence.
    Elle s’écarta pour laisser la lumière tomber sur le visage de la morte.
    — Elle a un air familier, mais je ne la reconnais pas. Je connais nombre de nos sœurs de Tarragone, et ce n’est pas l’une d’elles.
    — Je préférerais croire qu’elle n’est pas religieuse, dit Berenguer de Cruilles, qu’oser imaginer que vous ne reconnaissez pas l’une des brebis de votre troupeau.
    L’abbesse lui lança un regard scrutateur.
    — Religieuse ou pas, dit-elle calmement, comment est-elle entrée dans les bains ? Ils sont fermés la nuit, n’est-ce pas ?
    — Je crains que leur honnête chien de garde n’ait fêté un peu trop son saint patron, le bon Johan, et qu’il n’ait été trahi par le fruit de la treille. Lui comme tant d’autres. Mais comment est-elle

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